Justine Masika

Justine Masika, en 2008. Photo: Lavie.fr

Justine Masika, 47 ans, coordinatrice de Synergie Femmes, une association qui accueille les femmes violées du Nord-Kivu, a décidé de parler, malgré les menaces. Cette figure de la société civile congolaise appelle à l'arrestation et au jugement à la CPI de Bosco Ntaganda, seigneur de guerre récidiviste dont les hommes terrorisent la population du Kivu.

Justine Masika est décidée à parler, quoi qu'il lui en coûte. "Si on ne parle pas, comment les gens sauront que nous avons un problème?" lance-t-elle, avec dans la voix un mélange de lassitude et de détermination. Nous l'avions rencontrée à Goma, au Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC) en 2008. Coordinatrice de Synergie Femmes, Justine Masika accueille dans son association des femmes victimes de "viol comme arme de guerre" (lire à ce propos nos reportages"Le viol comme arme de guerre", "Les enfants du serpent", et notre web-reportage "Femmes du Kivu, 4 ans après").

Elle recueille aussi leurs témoignages en vue de constituer un dossier pour un éventuel procès à la Cour pénale internationale (CPI). Une activité qui fait d'elle une cible pour les nombreux groupes armés de la région pour lesquels le viol fait partie d'une stratégie de la terreur leur permettant de prendre le contrôle des mines de cette région riche en minerais. A l'époque, Justine se remettait tout juste d'une énième agression. Alors qu'elle était absente, des hommes armés avaient pénétré chez elle et tabassé ses enfants : c'est elle qu'ils recherchaient.

Aujourd'hui, cette figure de la société civile du Nord-Kivu est de nouveau menacée. "Le 21 avril, j'ai reçu des menaces de mort par téléphone. J'ai changé d'habitation. Mais ils m'ont retrouvée et ont encerclé ma maison." Elle s'en est sortie de justesse. Son tort ? Avoir appelé dans une interview à la BBC le 14 avril dernier, à arrêter Bosco Ntaganda et à le transférer à la Cour pénale internationale. Cet ancien chef rebelle devenu général de l'armée congolaise, a fait sécession début avril et a créé un nouveau groupe armé, le M23. Depuis, ses hommes terrorisent la population dans le Rustshuru, à environ 70 km de Goma, à la frontière entre l'Ouganda et le Rwanda. En toute impunité.

"Sur les 220 femmes violées que nous avons recueillies à l'association au premier trimestre, témoigne Justine Masika, une cinquantaine ont été victimes des hommes de Bosco Ntaganda. Mais aujourd'hui, tout s'accélère : tous les jours nous recevons des femmes ayant été violées par ses hommes."

Mais ce n'est pas tout. Selon l'ONG de défense des droits de l'homme, Human rights watch (HRW), le chef rebelle aurait enrôlé de force au moins 149 enfants et jeunes hommes dans ses forces armées depuis le 19 avril. Rien de bien nouveau pour lui, "Bosco", comme on le surnomme, est un récidiviste : celui-ci est sous le coup d'un mandat d'arrêt de la CPI depuis 2006, pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis en Ituri, une province dans le Nord de la RDC.

Aujourd'hui, personne ne sait vraiment où il se trouve. "Il faut absolument faire pression pour qu'on le retrouve et qu'on le transfère à la CPI, insiste Justine Masika. Kabila a déclaré vouloir le juger au Congo. Mais je ne crois pas qu'il le fera. Pourtant, il faut absolument que cet homme paye pour ses actes, qu'il soit jugé. C'est nécessaire pour lutter contre l'impunité."

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