Bosco Ntaganda: chef rebelle congolais recherché par la CPI pour crimes de guerr

Bosco Ntaganda: chef rebelle congolais recherché par la CPI pour crimes de guerre

Réélu en décembre 2011 au terme d'un scrutin considéré comme une farce ubuesque par la quasi-totalité des observateurs internationaux et par l'église catholique locale, le président congolais Joseph Kabila vient enfin de nommer un Premier ministre. L'un des défis majeurs du nouveau gouvernement dirigé par l'ancien ministre des finances Augustin Matata Ponyo sera de sécuriser les populations du Nord-Kivu, exposées une nouvelle fois aux violences déclenchées par le mouvement armé que vient de ressusciter Bosco Ntaganda, un chef rebelle à qui Kinshasa avait offert l'immunité judiciaire en 2009.

Capturer cet individu contre qui la Cour pénale internationale (CPI) avait déjà lancé un mandat d'arrêt pour crimes de guerre et le faire juger devant les juridictions nationales ou à La Haye, tel est le défi que Kabila déclare vouloir relever. En jeu, au plan personnel, la possibilité pour lui de se redonner un semblant de légitimité auprès de cette frange de ses compatriotes qui continue à le considérer au mieux comme un "roi fainéant", au pire comme un usurpateur.

"Terminator" ou quand le surnom tient lieu de CV

Originaire du Masisi dans le Kivu, Bosco Ntaganda avait été, dans la région de l'Ituri, l'adjoint du chef rebelle congolais Thomas Lubanga, reconnu coupable de crimes de guerre par la CPI le 14 mars dernier. Il prit une part active à l'épopée macabre de l'Union des patriotes congolais (UPC) créée par Lubanga et soutenue tour à tour par l'Ouganda et le Rwanda. L'homme avait ensuite rejoint au Nord-Kivu le général rebelle Laurent Nkunda à qui il succédera en 2009 à la tête du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), mouvement armé créé par des tutsi congolais d'origine rwandaise avec le soutien militaire du Rwanda de Paul Kagame.

Aux crimes commis à la tête des hommes de l'UPC, notamment ceux perpétrés près de la mine d'or de Kilo Moto à Mongwalu, celui qui se fait surnommer "Terminator" ne tarda pas à en ajouter plusieurs autres imputés aux combattants du CNDP. Ces derniers, en effet, allaient devenir au fil des conflits armés à répétition dans la sous-région, la terreur des populations civiles de l'Est du Congo. Utilisant le viol comme une arme de guerre, dévastant les villages et se livrant au trafic des minerais dont regorgent les zones sous leur contrôle, les hommes de Ntaganda ont très rapidement attiré l'attention des ONG des droits humains.

Sous d'autres cieux, le CV du "Terminator" autoproclamé lui aurait déjà valu un procès en bonne et due forme. Au Congo de Joseph Kabila, le pouvoir évoqua les risques d'implosion dans une région aux équilibres fragiles pour décerner un brevet d'impunité à l'ogre des vallées du Masisi.

L'accord de la discorde

En 2009, les hommes du CNDP furent intégrés au sein de l'armée congolaise à la suite d'un accord négocié au plus haut niveau, entre les présidents congolais et rwandais. Le général rebelle Laurent Nkunda, autre criminel de guerre présumé à qui aucune juridiction pénale ne s'est jamais réellement intéressée à ce jour, vit alors son ancien protecteur rwandais le lâcher. En effet, fortement critiqué sur la scène internationale pour son rôle néfaste dans la situation de l'Est du Congo, Kagame s'empressa de se débarrasser d'un individu devenu fort encombrant au profit d'un rapprochement aussi spectaculaire qu'inattendu avec Kinshasa. Il dut alors s'appuyer sur Bosco Ntaganda, l'adjoint de Nkunda, qu'il convainquit de faire la paix avec Kabila. Dans un tour de passe-passe tragi-comique dont aucun congolais ne fut cependant dupe, Nkunda fut "arrêté" par les services de son ancien mentor et placé en "résidence surveillée"... au Rwanda !

Propulsé à la tête du CNDP, l'ancien second couteau devint le nouveau visage de "la question tutsi" en RDC, une épine dans le pied du président congolais. En récompense de son intégration dans les forces armées congolaises (FARDC), "Terminator" devint le général Bosco Ntaganda. Il obtint à la fois un rôle de commandement au sein de l'état-major des FARDC et la garantie que ses combattants resteraient cantonnés aux frontières du Rwanda, ce malgré leur brassage supposé avec le reste de l'armée. On le vit co-diriger les opérations menées par les FARDC contre les rebelles hutus des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) dans les deux provinces de Kivu et au Maniema. Kigali pouvait discrètement retirer ses troupes du territoire congolais sans courir de grands risques au plan de la sécurité extérieure.

La volte-face de Joseph Kabila

On ne saurait nier que jusqu'au 11 avril dernier, date à laquelle Kabila a déclaré depuis la ville de Goma qu'il comptait mettre fin à l'impunité dont a bénéficié Ntaganda, l'accord rwando-congolais a fait baisser la tension dans l'Est du Congo. Il a donné une certaine satisfaction au Congo dont le gouvernement s'est auto-congratulé - trop rapidement ? - d'avoir "pacifié" le Kivu. Il a permis au chef de l'État rwandais de sauver la face tout en obtenant des gages de la part du pouvoir de Kinshasa. Signe de cette "Pax Romana" tropicale, les élections congolaises de novembre 2011 qui avaient fait craindre le pire, se sont déroulées dans le calme dans cette partie du pays.

Mais après la tenue d'un scrutin d'où Kabila est ressorti plus affaibli que jamais, le dirigeant congolais a décidé d'émettre des signaux. D'abord en direction de ces congolais qui l'accusent d'avoir "soufflé" sa victoire à l'opposant historique et charismatique Etienne Tshisekedi, le leader de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Une "victoire" dont ils doutent qu'elle apporte une réponse aux maux multiples dont continue de souffrir l'ex-Zaïre, quinze ans après la chute du maréchal Mobutu. Ensuite, en direction des dirigeants des principaux partenaires extérieurs de la RDC, dont beaucoup - à l'image de François Hollande à qui la question fut posée durant la présidentielle - hésitent encore à dire s'ils honoreront ou non le rendez-vous que leur a fixé Kabila pour le XIVème sommet de la Francophonie qu'abritera Kinshasa du 12 au 14 octobre 2012.

Le président congolais a alors fait semblant de s'apercevoir que Bosco Ntaganda, le même qu'il avait refusé catégoriquement de livrer à la CPI, était une anomalie dans la nomenklatura de l'armée congolaise. Il a feint avoir découvert le secret le moins bien gardé du Kivu, à savoir qu'avec le temps, plutôt que d'être affaibli et marginalisé au sein d'une armée nationale multiethnique, Ntaganda a fini par devenir le véritable maître de la région de Goma et environs, tissant son réseau de contrebande en vue du contrôle, en toute illégalité, des filières commerciales de l'or et de la cassitérite.

Quels que soient les ressorts méconnus de sa volte-face, il semble que Kabila a également cherché à anticiper sur une éventuelle fuite en avant de "Terminator". Il sait que Ntaganda, conscient de l'épée de Damoclès que fait peser sur lui le caractère imprescriptible des crimes pour lesquels il est poursuivi par la CPI, ne pouvant de surcroît compter sur Kigali, n'hésiterait pas de s'allier avec les rebelles hutus des FDLR qu'il combattait il y a peu. Un tel scénario n'a rien de rassurant pour le régime de Kinshasa. En effet, si Paul Kagame devait estimer que Bosco Ntaganda est devenu incontrôlable, il n'hésiterait pas à répudier l'accord de 2009 pour revenir à ses vieux démons : se fabriquer un autre homme-lige parmi les tutsi congolais du CNDP, à qui il confierait alors la même mission qu'à Laurent Nkunda et à son sinistre successeur, à savoir lui fournir un "cordon sanitaire" à la frontière congolaise et un nouveau "permis de spolier" les ressources minières du Kivu congolais. C'est le lieu de signaler qu'un homme vient de sortir de l'ombre et a le profil du job : le général Sultani Makenga, l'adjoint de Bosco Ntaganda, qui vient d'annoncer la création du "M23", mouvement armé qui reprend - comme par hasard - les revendications du CNDP. Tout cela sur le dos des populations civiles qui, du Masisi au Rutshuru, sont de plus en plus nombreuses à fuir les combats opposant depuis deux semaines les déserteurs qui ont suivi le général rebelle dans sa cavale et les troupes de l'armée congolaises lancées à leurs trousses.

Capturer Ntaganda, s'assurer que Paul Kagame reste un partenaire sur qui il peut compter pour le retour de la paix dans la sous-région et stabiliser enfin le Kivu, permettraient peut-être à Kabila de reprendre la main dans un climat politique des plus délétères à Kinshasa. Mais cela marquerait surtout, pour la première fois depuis le flux des réfugiés qui avaient envahi l'Est de l'ex-Zaïre lors du génocide rwandais de 1994, un début d'espoir. On en est, hélas, encore loin.

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