Article publié dans «La voix du Kasai » le 21/05/2012

L'avenir de la République Démocratique du Congo, dans sa géographie et son identité culturelle historique, est certainement l'un des enjeux politiques et humains les plus prioritaires de ce début de siècle entamé. Le démembrement stratégique de cet Etat cardinal de l'Afrique, planifié dans les décombres fumants du mur de Berlin, signerait aujourd'hui le triomphe de la criminalité politique sur les vertus de l'intelligence. Or l'institutionnalisation de la criminalité n'a jamais été ni un mode de gouvernance démocratique rationnel, ni un facteur légitime de pacification entre les hommes et les Etats. La Balkanisation de la RDC, c'est donc non seulement la garantie d'une Afrique condamnée à une insécurité systémique et à l'instabilité politique, mais c'est aussi une régression catastrophique de la conscience humaine. Le peuple congolais et la Communauté internationale doivent donc réagir rapidement. Cette dernière doit s'affranchir des nébuleuses chimères de la violence qui l'ont un temps habillement égarée pour écouter désormais de nouveaux artisans de paix et construire avec eux une véritable stratégie d'action pour la pacification de la RDC.

Frédéric Boyenga Bofala

Mettre un terme définitif à l'insécurité qui dans ses multiples modes d'expression corrode la société congolaise et nourrit le processus d'implosion de la RDC doit être une priorité politique pour la Communauté internationale. Ignorer davantage les graves écueils qui entravent le processus de pacification et de stabilisation de la RDC, c'est offrir une voix royale à cette décadence dont aucune arme, aussi sophistiquée soit-elle, ne pourra endiguer l'écumante déferlante de haine et de mépris du genre humaine qu'elle véhicule depuis presque vingt ans. Le réveil des idéaux nazis, en occident, donne un avant goût peu amène d'une telle perspective. Pour éviter ce scénario du pire, il est temps que les partenaires historiques du Congo engagent une sérieuse réflexion sur l'efficacité de l'intervention de la communauté internationale en RDC. La communauté des nations civilisées doit faire maintenant son choix au risque d'être tristement confondu. Elle doit avec discernement réviser son modus operandi pour mettre un terme à la guerre en Ituri et au Kivu, à la libre circulation des armes, à la prolifération outrancière des groupes armés, à l'impunité de grands criminels de guerre, à l'exploitation des enfants soldats et aux violences infligées aux congolais.

Cette entreprise, la plus radicale, la plus ambitieuse qu'elle ait à mener en Afrique, doit, pour ne pas échouer, être bâtie sur les données éternelles de l'âme humaine, et donc se laisser pénétrer de cette pensée mue par la force obstinée de la Vérité et de la Justice et qui se fraye inexorablement une voie dans la conscience humaine. L'affirmation du respect du droit international en ce qu'il a de plus symbolique et de plus effectif est une des plus justes applications que l'on puisse en faire.

Il existe à ce propos une pensée salvatrice pour l'avenir du Congo qui justement s'en inspire. Une pensée dont tout porte à croire qu'elle est naturellement née dans le chaos des conflits qui endeuille le pays. Une pensée qui prend corps et s'étoffe à mesure de l'attention que les hommes et les femmes lui portent et de l'heureuse inclinaison qu'elle confère aux esprits tourmentés par les évènements et qui s'y rangent. Cette pensée porte en elle la juste réponse à la crise sécuritaire, politique et humanitaire qui déstabilise sans fin le Congo. Elle en est le contre-pied naturel, l'antidote par essence, le remède alchimique. C'est pourquoi, elle résonne dans le vide des idées où s'égarent, perplexes, toutes les volontés acquises au changement politique et rétives à la balkanisation de la RDC. Cette pensée s'incarne dans un grand mouvement national sacralisant l'unité retrouvée des congolais et s'achemine, nous en sommes convaincus, vers cette apothéose collective où se subliment et s'ordonnent historiquement la réconciliation nationale et la justice sociale et la démocratique.

C'est là, au coeur de cette dynamique inébranlable parce que si profondément humaine, sous l'impulsion charismatique et la plume affinée d'un tireur intellectuel d'élite, Frédéric Boyenga Bofala, que s'entonne désormais en chœur un nouveau credo politique pour conjurer l'insécurité internationale en RDC et refuser la balkanisation : paix, désarmement, démilitarisation et réconciliation pour le Congo Zaïre.

Frédéric Boyenga Bofala

Dans son dernier ouvrage, «Au nom du Congo Zaïre », l'homme présente avec brio et à la première personne du singulier, les lignes de force innovantes de son ambitieux projet pour la reconstruction du Congo Zaïre. Au centre de ses préoccupations, un préalable incontournable : «le règlement définitif de la crise des Grands lacs pour le rétablissement et le maintien de la paix et de la sécurité dans la sous région, la pacification totale et la stabilisation du Congo », et un souci permanent : pauser les nouveaux fondements politiques d'une réconciliation effective avec le Rwanda et l'Ouganda et mettre en place les mécanismes institutionnels et les outils juridiques qui consacreront la relance du processus global de l'intégration régionale. Cette vision politique inédite s'inscrit dans le cadre d'un véritable plan d'action stratégique de sortie de crise dont l'échéancier s'étale sur cinq ans.

Pour amener son sujet, Frédéric Boyenga Bofala s'est conformé à une stricte et implacable argumentation juridique. Le propos n'est donc pas seulement séduisant, il est parfaitement réaliste. Au terme d'une analyse lucide et pénétrante des carences sécuritaires, ce spécialiste du droit international propose à l'Organisation des Nations Unies de reprendre l'initiative en mettant clairement en avant la force du droit international dans la résolution des conflits. Il lui propose d'adopter une série de mesures constructives qui répondent à une réalité objective dans la région des Grands lacs et l'invite en conséquence à repenser la mission de la MONUSCO, son rôle et son positionnement en lui assignant désormais des missions clairement définies et évaluables sur la base de critères objectifs. En fin politique, il pousse ainsi l'audace prospective jusqu'à présenter aux partenaires historiques de la RDC et au conseil de sécurité des Nations unies une proposition de résolution pour la démilitarisation et le désarmement de la RDC en Ituri et au Kivu prévoyant notamment l'instauration d'une zone démilitarisée s'étendant sur 20 kilomètres à l'intérieure des territoires de la RDC, ainsi que du Rwanda, du Burundi, de l'Ouganda et du Sud Soudan à partir de leur frontière respective avec le Congo (http://www.boyengabofala.com/au-nom-du-congo-zaire/deuxieme-partie/demilitarisation-et-desarmement-de-lituri-et-du-kivu.html). En vérité le postula fondamental de ce nouveau plan d'action stratégique est qu'aucune paix ne peut être maintenue s'il elle n'existe pas, ce qui implique qu'elle soit d'abord obligatoirement rétablie ! Cette nouvelle mission assignée à la MONUSCO est dont une manière inédite d'envisager l'application du Chapitre VII qui consacre l'obligation du Conseil de sécurité, et non la simple nécessité, de faire respecter la souveraineté et l'intégrité du Congo Zaïre. Une approche singulière qui ne traite pas tant des conditions de déclenchement de l'action et de la conduite du Conseil de sécurité mais qui envisage davantage les conséquences du retour à la paix et les conditions de son rétablissement.

Frédéric Boyenga Bofala

La démonstration intellectuelle est époustouflante. Elle emprunte au bon sens et emporte l'adhésion. «La démilitarisation et le désarmement organisés de l'Ituri et du Kivu, comme le souligne Boyenga Bofala, sont des conditions fondamentales à la réussite de la mission de rétablissement et de préservation de la paix et donc de stabilisation politique de la RDC ».

Mais que fait de son côté l'auteur de ses beaux projets ? Fort de ses idées, qu'attend-t-il pour convaincre ses compatriotes et affirmer sa carrure d'homme d'Etat, là où tant d'autres avant lui ont failli ? Quel est son calendrier ? Pourquoi tarde-t-il à se faire entendre de manière plus audible par ses compatriotes ? Il ne suffit pas d'avoir l'oreille et la sympathie de la communauté internationale. Il faut encore intégrer l'échiquier politique congolais et l'occuper. Qu'attend-t-il alors pour «intervenir »? Il faut que l'homme lève le voile énigmatique du mystère Boyenga Bofala et se révèle tel qu'il est. Il n'y a pas de honte à n'avoir jamais exercé de fonction politique, ce qui compte c'est la détermination, l'intelligence. Ce qui compte c'est l'espérance et la confiance que l'on suscite.

Le nouveau credo pacificateur dont Boyenga Bofala peut se vanter d'avoir campé le principe est éclairant et redonne à beaucoup l'espoir qu'il faut pour résister. Il ose enfin poser les termes d'un nouveau dialogue possible entre un Congo conscient de ses atouts et des ses faiblesses et une frange significative de la communauté internationale qui, dissuadée par l'incurie de l'élite politique congolaise, et perplexe face à ses réelles capacités, voire sa volonté à rétablir la paix, semble s'est résignée à contre cœur au scénario du pire, tout en demeurant dans le fond parfaitement consciente de la toxicité politique et de l'obsolescence du processus de balkanisation.

La multiplication récente des rapports internationaux dénonçant les graves crimes et autres exactions commises en toute impunité en RDC, de même que le rapport sans concession de la Mission d'observation électorale de l'Union européenne pour la RDC dénonçant la grossièreté de la fraude électorale, reflètent en effet une certaine résistance au sein même de la communauté internationale. Cette résistance prend forme dans certaines chancelleries occidentales et africaines où certains interlocuteurs nous ont confié avoir bien compris tout l'intérêt économique et politique des brillantes propositions présentées par Frédéric Boyenga Bofala. Sans doute est-ce là l'effet de l'acacia !

Frédéric Boyenga Bofala nous ouvre brillamment les yeux. L'efficacité stratégique de cette chimérique entreprise qu'est la balkanisation de la RDC doit être sérieusement battue en brèche. La RDC, même détroussée de l'intérieur et à terre, «ne changera jamais d'adresse ». La belle expression ! Le géant congolais sera toujours debout. La stratégie de la balkanisation n'a jamais vraiment porté les fruits escomptés. Au mieux en révélant les instincts les plus sombres de l'âme humaine, elle a permis de nettoyer l'ex Zaïre des vices profonds qui le corrompaient, la providence traitant ainsi le mal par le mal. Mais le coût humain et matériel du bilan de cette entreprise est à ce point désastreux que son amortissement dans la conscience humaine n'est désormais plus envisageable. Il faut dépasser l'ignominie et rendre la main à l'intelligence et au courage politique.

Il faut comprendre que l'insécurité régionale chronique dont souffre la RDC n'est plus aujourd'hui que l'instrument obsolète d'une pensée désinhibée déclinante, condamnée à se ressaisir ou à se consumer dans le brasier qu'elle alimente depuis la chute du mur de Berlin. L'insécurité de la Région des Grands lacs, à l'aube entamée de ce 21e siècle, ne se justifie plus. Elle est devenue le moteur criminogène d'une paix improbable, élaborée au siècle passé, dans un contexte aux enjeux géostratégiques dépassés. Un moyen anachronique qui ne répond plus aux réalités géostratégiques actuelles (dont le renforcement de l'islam fondamentaliste en Afrique du Nord) et qui butte de surcroît sur quelques réalités sociologiques incontournables : le sentiment d'indéfectible unité nationale profondément enraciné au cœur du peuple congolais et son insatiable soif d'émancipation et d'égalité.

Nous ne sommes pas les seules à l'affirmer. Ce dont l'occident et la RDC ont impérativement besoin dorénavant, c'est de parler ensemble de stabilité politique, de stratégie collective de défense, de création d'espaces économiques viables, de sécurisation des personnes et des investissements, de régulation de flux migratoires et d'égalité... Or, cette stabilité trouve son socle dans un Etat de droit ambitieusement gouverné qui encadre, soutient et favorise l'activité économique. Ce dont nous avons tous besoin, c'est de parler enfin de paix et de réconciliation, comme facteurs économiques d'une croissance internationale prospère en RDC, là où, paradoxalement, pour brader les merveilleuses potentialités du Congo, certains sont contraints par l'ironie du sort de perpétuer cette insécurité qui les a vus prospérer, comme le champignon sur le tas de foin.

Pour prendre conscience de tout cela, il fallait donc qu'une conscience s'élève pour mettre en partition une musique rassurante et trouver les notes apaisantes que chacun de nous puisse jouer en chœur de manière harmonieuse. Bel exercice de style Monsieur Boyenga Bofala.

Cette partition exhorte la communauté internationale et les Congolais à ramener rapidement la question sécuritaire au centre du débat politique en RDC pour entonner ensemble un nouveau credo afin de mettre un terme définitif à ce qui asphyxie insupportablement cette parcelle d'humanité.

Alban Kefler
Africanews rédaction 1012

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