RDC - Rébellion  M23

L'ONU pointe du doigt le Rwanda, affirmant dans un rapport confidentiel que des Rwandais ont été recrutés et formés dans leur pays pour renforcer des mutins ex-rebelles que l'armée congolaise combat depuis début mai dans la province du Nord-Kivu (est de la RDCongo), accusations aussitôt démenties par Kigali.

Dans ce document que s'est procuré la BBC, l'ONU affirme avoir "conduit des entretiens avec 11 combattants qui ont abandonné leurs positions dans les forêts montagneuses de la frontière entre la RDC et le Rwanda" et qui sont décrits comme "des citoyens rwandais recrutés au Rwanda sous prétexte de rejoindre l'armée nationale, y compris un mineur".

Ces déserteurs, poursuit le document, "ont dit qu'ils ont été recrutés dans un village appelé Mundede, qu'ils ont reçu un entraînement au maniement des armes et qu'ils ont été envoyés en RDC pour rejoindre le M23", a déclaré à la BBC Hiroute Guebre-Selassie, chef du bureau de la Mission de l'ONU (Monusco) à Goma, la capitale provinciale.

Le M23 (Mouvement du 23 mars) est composé de membres de l'ex-rébellion tutsi-congolaise du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), que le Rwanda avait démenti soutenir du temps de sa dissidence, et intégrée dans l'armée en 2009 après des accords de paix avec Kinshasa.

Le M23 revendique la pleine application de ces accords, notamment en ce qui concerne leur intégration. Ils dénoncent notamment des problèmes de salaires, de nourriture, d'obtention de grades et de fonctions.

Kigali, a rejetté en bloc les accusations de l'ONU, qualifiant d'"échec" la mission de la Monusco qui, créée en 1999 sous le nom Monuc (Mission de l'ONU en RDC), est l'une des missions les plus importantes et anciennes des Nations unies dans le monde.

"Ce sont des rumeurs totalement fausses et dangereuses", a déclaré dans un communiqué la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo. "Depuis le départ le Rwanda a toujours soutenu que l'instabilité actuelle dans l'est de la RD Congo est une affaire qui relève du gouvernement congolais et de l'armée congolaise", a-t-elle dit.

"L'intérêt national du Rwanda est de contenir le conflit et d'établir des profondes relations pacifiques avec ses voisins. La communauté internationale continue de négliger les vrais problèmes causés par cette instabilité pour ne s'intéresser qu'aux symptômes et non aux racines profondes de ce qui cause les souffrances dans notre région", a poursuivi Mme Mushikiwabo.

La mission de l'ONU en RDC, a-t-elle dit, "coûte des milliards de dollars, représente un quart du budget de l'ONU pour les missions de maintien de la paix dans le monde, et cela a été un échec depuis le premier jour".

- L'ONU "incapable" -

La ministre a conclu en affirmant que l'ONU était finalement "incapable" de protéger les civils dans l'est de la RD Congo, le plus grand pays africain.

Selon le rapport de l'ONU, "certains combattants ont affirmé avoir été recrutés dès février", indique la BBC. Les affrontements entre les Forces armées congolaises (FARDC) et le M23, créé le 6 mai, sont concentrés dans le territoire de Rutshuru, au nord de Goma, et plus précisément dans une zone circonscrite près de la frontière avec le Rwanda et l'Ouganda.

"Quinze mutins se sont rendus jusqu'à aujourd'hui, dont sept Rwandais. Ils ont témoigné que le Rwanda leur donnait des renforts. On le disait depuis bien avant: le Rwanda les appuie en munitions, armes lourdes et même en troupes", a déclaré à l'AFP un colonel participant aux combats.

Face à son impuissance à mater la mutinerie, le Premier ministre congolais Augustin Matata Ponyo avait sous-entendu mercredi que les ex-CNDP avaient une "base arrière dans un pays voisin".

Il avait appelé la communauté internationale à pousser "tous les Etats concernés à éviter" de soutenir les "groupes négatifs", alors que Kinshasa et Kigali prévoient une collaboration plus étroite pour les neutraliser.

La RD Congo regorge de richesses naturelles (cassitérite, coltan, diamants, or, cuivre, cobalt, zinc, manganèse), principalement dans le nord-est et dans le sud-est du pays, mais les deux-tiers des 66 millions de Congolais vivent avec 1,25 dollar par jour, et l'espérance de vie est d'à peine 50 ans.

Ces richesses ont exacerbé les convoitises des pays voisins de la RDC, notamment le Rwanda et l'Ouganda, qui ont occupé des provinces dans l'est du pays entre 1996 et 2002.

Des groupes armés ont ensuite proliféré dans l'est de la RDC après le départ progressif des troupes étrangères -rwandaises et ougandaises- après des accords de paix. L'exploitation illégale des ressources s'est poursuivie notamment via des réseaux structurés et par guérillas interposées, un pillage qui représente une manne pour le trafic d'armes dans la région.

-- © RTL TVI / AFP