Homicides illégaux, viols, pillages et enlèvements continuent d'être commis en RDC en utilisant les armes livrées au pays.

Homicides illégaux, viols, pillages et enlèvements continuent d'être commis en RDC en utilisant les armes livrées au pays. Photo: amnesty.org/REUTERS/James Akena

Les dirigeants politiques doivent prendre immédiatement des mesures pour mettre un terme à l'approvisionnement en armes de la République démocratique du Congo (RDC) où ces armes continuent d'alimenter les homicides illégaux, les viols, les pillages et les enlèvements, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public mardi 12 juin.

Intitulé ‘If you resist, we'll shoot you', ce rapport met en évidence le fait que les forces de sécurité congolaises comme les groupes armés sont en capacité de commettre de graves atteintes aux droits humains, en raison de la facilité avec laquelle ils peuvent se procurer armes et munitions.

« La situation en RDC rappelle l'impérieuse nécessité pour les gouvernements d'adopter un traité sur le commerce des armes (TCA) de portée mondiale, lors des négociations finales qui se dérouleront aux Nations unies au mois de juillet », a déclaré Paule Rigaud, directrice adjointe du programme Afrique d'Amnesty International.

Dans son rapport, Amnesty International expose comment les déficiences fondamentales des services de sécurité congolais rendent possible l'emploi abusif et le détournement des armes et des munitions à grande échelle, ouvrant ainsi la voie à de graves violations du droit international humanitaire et à de graves atteintes aux droits humains, imputables aux forces armées et aux groupes armés.

« Tant que des garanties relatives à la protection des droits fondamentaux ne sont pas mises en œuvre, les États doivent suspendre les transferts d'équipement militaire vers des États tels que la RDC, où le risque est important que ces équipements ne servent à commettre ou faciliter de graves violations des droits humains et des attaques contre la population civile », a indiqué Paule Rigaud.

Au cours des dernières années, le gouvernement de la RDC a importé tout un éventail d'armes, de munitions et d'équipements connexes, notamment des armes légères, des munitions, des gaz lacrymogènes, des véhicules blindés, des pièces d'artillerie et des mortiers.

Parmi les principaux fournisseurs d'armes de la RDC figurent l'Afrique du Sud, la Chine, l'Égypte, les États-Unis, la France et l'Ukraine.

Dans la majorité des cas examinés, les transferts ont été approuvés par les États fournisseurs, en dépit du risque substantiel que les équipements concernés ne soient utilisés pour commettre de graves atteintes aux droits humains ou des crimes de guerre en RDC.

Les dirigeants politiques doivent non seulement renforcer l'embargo en vigueur sur les armes à destination de la RDC, mais aussi souscrire à un traité sur le commerce des armes efficace.

Amnesty International prône l'adoption d'un traité qui impose aux États fournisseurs de mener des évaluations rigoureuses, au cas par cas, du risque posé par tout transfert d'armes envisagé.

Les États doivent déterminer s'il existe un risque substantiel que le destinataire visé utilise les armes pour commettre ou favoriser de graves atteintes au droit international humanitaire ou relatif aux droits humains.

Lorsqu'un tel risque est établi, l'État fournisseur doit bloquer le transfert en question tant que n'a pas été écarté ce risque et tant que n'ont pas été mises en place les garanties nécessaires.

« Les négociations finales sur le traité sur le commerce des armes vont débuter dans moins de trois semaines ; les gouvernements doivent saisir cette chance historique », a fait valoir Paule Rigaud.

Il arrive fréquemment que de hauts gradés des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) vendent ou donnent des armes à des groupes armés, y compris à ceux qu'ils combattent. Quant aux groupes armés, ils récupèrent bien souvent les armes et les munitions laissées derrière eux par les soldats des FARDC fuyant les zones de combat.

Alors que de nombreux militaires ont fait défection au mois de mai, les FARDC ont confié à un colonel un camion chargé de munitions et de dizaines de milliers de dollars destinés à l'approvisionnement. Il a déserté et a rejoint un nouveau groupe armé, emportant avec lui les armes et l'argent.

Comme trop souvent, ce sont les civils qui sont les premières victimes de l'absence de contrôle, du détournement d'armes et de l'impunité.

En octobre 2008, le Congrès national pour la défense du Peuple (CNDP) a attaqué la ville de Kiwanja, faisant 150 morts parmi les civils, quelques jours après avoir pillé un dépôt des FARDC à Rumangabo, dans l'est du pays, où il s'était emparé d'un grand nombre d'armes. Les soldats sont allés de maison en maison, sortant de force des jeunes hommes avant de les poignarder à mort ou de les abattre d'une balle dans la tête ou dans la poitrine.

Laurent Nkunda, alors leader du CNDP, a déclaré fièrement lors d'un entretien avec Amnesty International en 2008 : « J'ai pris Rumangabo deux fois. Il est impossible de compter le nombre d'armes dont nous nous sommes emparés à ces occasions, il y en avait tellement.

« Après le premier pillage, les FARDC ont refait le plein, avec des armes de tous calibres : des batteries antiaériennes, des armements antichars. C'est le gouvernement qui me les a donnés. Je voudrais remercier la Chine, pour avoir fourni toutes ces armes aux FARDC. »

Par ailleurs, les transferts d'armes aux forces gouvernementales favorisent les violations des droits humains, notamment les viols en masse et les autres violences sexuelles. Entre le 31 décembre 2010 et le 1er janvier 2011, les soldats des FARDC ont attaqué le village de Bushani, dans la province du Nord-Kivu. Ils ont violé une cinquantaine de femmes, âgées de 16 à 65 ans, et ont menacé de les tuer si elles résistaient, tirant des coups de feu en l'air.

Certaines cartouches retrouvées par la suite sur les lieux avaient été fabriquées en Chine.

Le problème est loin d'être limité à l'est de la RDC. Amnesty International et d'autres organisations ont recensé de graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité congolaises, notamment la Garde républicaine, dans la capitale Kinshasa avant et après les élections présidentielle et législatives de novembre 2011 − homicides illégaux, actes de torture et arrestations arbitraires notamment.

« Il est grand temps que les États qui fournissent des armes à la RDC effectuent une évaluation rigoureuse des risques, en vue d'éviter que cet afflux d'armes ne soit utilisé par toutes les parties pour commettre des crimes relevant du droit international. »

-- © Amnesty International