la Secrétaire d'État américaine Hillary Clinton

La Secrétaire d'État américaine Hillary Clinton
Photo: WSWS.ORG

On savait que Kigali n'opérait pas en solitaire. Tous les observateurs s'accordaient sur un soutien extérieur. Les masques sont tombés à l'ONU où Washington a étalé au grand jour son penchant pour le Rwanda.
Pourquoi, à New York, les USA s'opposent-ils à la publication du rapport relatif à l'implication du Rwanda dans l'insécurité qui prévaut actuellement dans l'Est de la RDC ? Cette opposition veut-elle traduire la connivence entre Washington et Kigali sur le projet de balkanisation de la RDC ? Le rapprochement est vite trouvé et il ne serait pas exagéré de prétendre que les masques sont tombés sur les responsables et coresponsables des millions de morts et des déplacés congolais dans le but d'éclater le Congo et faire main basse sur ses nombreuses ressources naturelles.

A quel jeu se livrent le Rwanda et les Etats-Unis contre l'intégrité territoriale de la RDC ? Un jeu certes plein d'équivoques dans les attitudes ainsi que les révélations. Le débat introduit par les diplomates congolais en poste auprès de l'ONU permet de lever un coin de voile sur les réelles intentions de certains partenaires sur le devenir de la RDC comme Etat, dans les frontières héritées de la colonisation.

L'heure de vérité a sonné sur les vrais responsables du drame humanitaire dans l'Est de la RDC.

Depuis le génocide de 1994, les Tutsi en général, particulièrement les Tutsi rwandais sont considérés comme «la prunelle des yeux des Etats-Unis», dixit l'ex-secrétaire d'Etat Madeleine Albright. Cette perception passe avant toutes les autres considérations sur l'humanité des autres peuples des espaces avoisinant les Tutsi. Pour cette raison, le gouvernement de l'APR, qui exerce le pouvoir à Kigali après avoir chassé du pouvoir le hutu Habyarimana, aurait reçu un blanc seing de la part de la grande puissance planétaire.

Au nom du combat contre les génocidaires hutu en fuite sur le territoire congolais par la volonté de la communauté internationale, Kigali se croit investi du pouvoir d'opérer des incursions sur le territoire congolais et s'y comporter comme en pays conquis. D'où l'absence de condamnation qui s'en est toujours suivie.

En 1996, sous le fallacieux prétexte «de chasser»le dictateur Mobutu, le gouvernement de Kigali a largué sur le terrain des opérations militaires : des hommes, du matériel de guerre, ... et des populations civiles. La dénonciation du président Laurent-Désiré Kabila n'y fera rien. Les mêmes sont revenus à la charge le 2 août 1998. Pour justifier cette nouvelle agression, la même rengaine est embouchée pour alléguer qu'un génocide se préparait à partir de la RDC. Leur incursion, soutenaient-ils, tendait à précéder les événements et éviter ainsi que de nouveaux crimes contre l'humanité ne soient commis dans la sous-région. Une justification fallacieuse au regard de la prédation qui accompagnait toujours ces opérations militaires pilotées par Kigali en se cachant derrière des labels rebelles congolais. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. Après enquête et analyse, les rapports commandés par les Nations unies ont abouti à une seule et unique conclusion : la guerre dans l'Est de la RDC est d'essence prédatrice. Des multinationales anglo-saxonnes sont nommément identifiées dans ces rapports sans que les gouvernements de leurs pays ne les sanctionnent. Mapping report est l'un des rapports qui a apporté plus d'informations et de précisions sur le modus operandi de ces rébellions dites congolaises à répétition. Cette fois-ci, «Les Etats-Unis ont cherché sinon à bloquer tout au moins à retarder cette publication pour protéger le Rwanda. Devant la manœuvre, les diplomates congolais ont choisi de faire du bruit et d'alerter la presse. L'affaire a pris de l'ampleur à l'ONU. Il n'empêche : le rapport sera bien publié la semaine prochaine, mais sans les annexes accusant le Rwanda qui seront rendues publiques après un droit de réponse de Kigali», rapporte la presse accréditée au Conseil de sécurité. Pour le porte-parole adjoint de la mission américaine à l'ONU «les Etats-Unis ne bloquent pas de rapport du groupe d'experts sur la RDC. Les Etats-Unis ont posé un nombre significatif de questions à ce sujet»lors d'une réunion de la commission des sanctions de l'ONU.

Cette attitude est pour le moins dangereuse, au regard des dégâts humains causés par toutes les aventures macabres de Kigali, en instrumentalisant des rébellions sur le sol congolais et en favorisant le pillage des ressources naturelles congolaises. De fil en aiguille, tous se rendent compte que le Rwanda ne dispose pas d'autant de ressources pour porter des guerres successives.

En même temps, personne ne s'est expliqué l'enrichissement du PIB rwandais grâce à des matières premières introuvables dans son sous-sol ! Serait-ce parce que les revenus profitent au Trésor public anglo-saxon ? C'est là toute la question. «Avec les autres membres de la commission, nous étudions avec soin ces conclusions et nous continuerons à discuter de leurs implications une fois que le rapport sera rendu public. Les Etats-Unis étudient avec attention les informations mises en avant par les experts en vue des discussions du Conseil le 26 juin», s'est empressé d'expliquer Payton Knopf dans un communiqué de presse.

Cette attitude est contradictoire, notamment pour un pays qui a introduit une loi importante, la loi Dodd Franck sur les minerais en provenance de la RDC. Une attitude étonnante dans la mesure où les preuves matérielles sont données par toutes les parties impliquées à savoir Kinshasa, Kigali et la Monusco.

Dans un rapport tripartite confidentiel des interrogatoires conjoints de 11 combattants qui s'étaient rendus auprès de la Monusco, il ressort que l'implication du Rwanda est avérée. A titre d'illustration, il y a ce combattant bénéficiaire de l'opération de démobilisation rapatrié au Rwanda, quelques mois auparavant, qui s'est retrouvé dans les rangs du M23. Pire, les experts de ces trois parties ont constaté que le recrutement se serait opéré déjà au mois de février jusqu'en avril 2012. Même l'itinéraire emprunté et les lieux d'hébergement au Rwanda sont retracés : la route de Mudende-Bigogwe (marché des bétails), hôtel Bisokoro dans la localité de Kinigi, par ailleurs village natal du général renégat Bosco Ntaganda. Enfin, ils se sont retrouvés dans le parc des Virunga sur l'axe Runyioni. Tous ne reconnaissent pas avoir connu auparavant la destination finale.

Ces témoignages consignés dans un document officiel de ces deux Etats seraient-ils mis en doute par les Etats-Unis ? Pour quelles raisons donc, s'interroge-t-on.

Les détails sur les activités correspondant à chaque poste de leur itinéraire devraient plutôt préoccuper les Etats-Unis sur l'urgence d'y mettre définitivement un terme. Le gouvernement congolais qui a retrouvé le ton approprié insiste sur l'obligation pour le Conseil de sécurité de l'ONU de «rappeler le Rwanda à ses obligations internationales et exiger le retrait immédiat et sans condition des membres des forces armées qui se dissimuleraient dans les rangs de la rébellion».

Plus incisif, le ministre congolais des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda apporte des précisions utiles : «Il ressort que le territoire rwandais a servi à la préparation et à la perpétration d'une conspiration qui, après avoir commencé comme une simple mutinerie, évolue dangereusement vers un schéma de rupture de la paix entre deux pays de la région des Grands Lacs».

Que Washington aujourd'hui décide de bloquer la publication de pareil rapport donne à penser qu'il ne serait pas étranger au projet de balkanisation du Congo dont la mission d'exécution a été confiée au régime en place à Kigali. Les USA se sont mis en mauvaise posture vis-à-vis de la RDC qu'ils prétendent être leur partenaire. Cela au vu de tous les projets dans les domaines militaire (formation), de la santé publique et humanitaire. Faut-il aujourd'hui en déduire que ce n'était que du saupoudrage visant à endormir Kinshasa pendant qu'on le poignardait dans le dos ? Le contraire étonnerait.

Le Potentiel

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