Palais du peuple, Kinshasa

Palais du peuple, Kinshasa

En prévision des pourparlers avec les leaders du M23, «Joseph Kabila»multiplie des consultations. L'homme semble avoir trouvé l'«arme de légitimation massive»des résultats des négociations à venir. Les chefs des 14 groupes parlementaires de l'Assemblée nationale auraient été appelés à la rescousse. Ils devraient effectuer une «mission»à Kampala. Objet : évaluer les accords du 23 mars 2009. Pour allécher les parlementaires, la Présidence de la République aurait prévu des frais de mission estimés à 30.000 $US par chef de Groupe.

A Goma, les rebelles du M23 «poursuivent»leur retrait de la ville. Le «redéploiement»à une vingtaine de kilomètres pourrait prendre fin ce samedi 1er décembre. En fait, les «amis»de Jean-Marie Runiga Lugerero et de Sultani Makenga restent sceptiques sur la sincérité de «Joseph Kabila». La prise du chef-lieu de la province du Nord Kivu les mettait en position de force face à un adversaire retors. Le mouvement rebelle tente ainsi d'empêcher le pouvoir kabiliste rétablir «l'ordre ancien»qui régnait dans cette ville avant le 20 novembre. Certains responsables de la rébellion invoquent à l'appui de cette position le fait que leur mouvement n'a pas pris part à l'élaboration de la résolution arrêté à Kampala par les chefs d'Etat de la Région. Ils se sont inclinés "par respect" aux chefs d'Etat.

Comme pour montrer que le désengagement des troupes rebelles «de la ligne de front sur l'axe Goma-Bukavu»ne signifie nullement la fin des hostilités, Bertrand Bisimwa, porte-parole des insurgés, a, dans un communiqué daté du jeudi 29 novembre, attiré l'attention «de l'opinion tant internationale que nationale»sur les propos qu'auraient tenus le chef d'état-major intérimaire des forces terrestres, le général François Olenga. celui-ci aurait déclaré qu'«il va fusiller toute personne qui a été en contact»avec les forces rebelles. «Le M23 dit qu'il ne tolérera pas la moindre exaction commise sur la population innocente des territoires laissés à la communauté internationale lors de son retrait (...)», prévient le communiqué.

Evaluer l'accord du 23 mars

A Kinshasa, des sources bien informées indiquent que les présidents des Groupes parlementaires à l'Assemblée nationale - il y en a quatorze dont quatre appartenant à l'opposition - ont été approchés par le Bureau de cette Chambre du Parlement au sujet d'une «mission»d'une durée de quinze jours qu'ils devraient effectuer incessamment en Ouganda. «La mission est financée par la Présidence de la République», confie une source qui souligne au passage que «Joseph Kabila»tente d'«acheter»les députés nationaux en les entraînant dans un dossier nébuleux dont ils maîtrisent ni les tenants ni les aboutissants.

Connaissant la vénalité des politiciens congolais, la Présidence aurait prévu des frais de mission estimés à 30.000 $US par président de Groupe. «Joseph Kabila»devrait recevoir dans les prochains jours dix députés de chaque Groupe parlementaire de l'opposition (UDPS/FAC, MLC/Alliés, UNC/Alliés et les Libéraux sociaux démocrates chrétiens). De quoi vont-ils parler ? Toute la question est là !

En attendant, les discussions feraient rage au sein de ces Groupes. Pour les uns, il faut accepter l'offre de «Joseph Kabila». Pour d'autres, il n'en est pas question. «Le Parlement congolais n'a pas été représenté au sommet de Kampala, à quel titre va-t-il évaluer un dossier qui lui est totalement étranger pour avoir été conclu entre Joseph Kabila et le CNDP», commente une critique de ce projet. Une source parlementaire d'enchaîner : «Il appartient au gouvernement d'aller négocier et de venir rendre compte à l'Assemblée nationale». Notons que des parlementaires de l'opposition ont exigé la convocation du Congrès. Sans oublier la mise en accusation de «Joseph Kabila»pour «haute trahison». Aux dernières nouvelles, plusieurs députés de l'opposition auraient levé l'option d'effectuer ce déplacement.

Les «gages»donnés à Paul Kagame

Les observateurs s'attendent à un dialogue de sourds entre «Joseph Kabila»et le M23. Dans une déclaration faite le jeudi 29 novembre à l'occasion d'une «question orale»au Sénat, le ministre congolais des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, a laissé entendre que le gouvernement «a respecté tous ses engagements signés avec le Congrès national pour la défense du peuple». Il a ajouté que «la rébellion du M23 - qui émane du CNDP - est un prétexte pour faire la guerre à la RDC». «Jamais le M23 n'a voulu utiliser la guerre comme moyen pour pouvoir faire entendre ses revendications», a rétorqué, pour sa part, Jean-Marie Runiga, le chef politique du M23, dans une interview accordée à Radio Okapi. «Dès le début on a demandé un dialogue, c'est le gouvernement de Kinshasa qui n'a jamais accepté le dialogue et en refusant ce dialogue, il a préféré attaqué le M23, (...)», a-t-il ajouté. Pour lui, les forces du M23 n'auraient fait qu'exercer leur droit de «légitime défense ». Runiga a, par ailleurs, justifié la décision de son Mouvement d'associer l'opposition politique, la société civile et la diaspora à la table de négociations. Selon lui, «c'est parce que nous sommes fatigués de faire des négociations en solo, en secret avec Kabila. Il ne respecte jamais ses engagements». Dans une intervention, mercredi 28 novembre, sur les ondes de la RTBF-radio, le ministre de la Communication Lambert Mende a accusé le M23 de n'avoir aucun "agenda". Selon lui, cette lacune le pousse à multiplier ses revendications.

Notons que les observateurs se posent des questions sur la nature des «gages»que le numéro un Congolais a pu donner à son ancien parrain Paul Kagame lors de leur tout dernier entretien dans la capitale ougandaise. D'aucuns imaginent le pire en alléguant que le «raïs»- pour préserver son pouvoir - n'aurait pas manqué de promettre à Kagame l'organisation d'un «référendum»d'autodétermination dans les localités et villes passées sous le contrôle du M23. Objectif : transformer la partition de fait actuelle en partition de droit. Délire ? L'avenir le dira.

En tous cas, l'implication éventuelle des groupes parlementaires de l'opposition dans les prochaines tractations de Kampala est perçue comme une volonté du pouvoir kabiliste de donner «l'onction nationale»à des discussions dont l'enjeu reste l'unité physique du territoire national. Les parlementaires nationaux vont-ils brader leur honorabilité et le destin collectif juste pour quelques dollars de plus? L'heure est aux manoeuvres politiciennes...

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