Susan Rice

Susan Rice, ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU

Course au département d'Etat américain

L'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Susan Rice, a finalement jeté l'éponge dans la course au département d'Etat américain. Son fort penchant pour le régime de Kigali, accusé de soutenir la rébellion menée dans l'Est de la RDC par le M23, a eu raison de ses ambitions à la succession d'Hillary Clinton. Par ailleurs, l'attitude de Susan Rice soulève quelques interrogations. S'agit-il réellement d'un désistement ou d'une anticipation ? D'aucuns penchent pour le second aspect et indiquent que l'Afro-américaine serait plus dangereuse pour la RDC à l'Onu qu'au Département d'Etat. Dans la mesure où, tout a l'air d'une stratégie visant à poursuivre son sale boulot sachant qu'en interne le cercle des pro-Kagame a été pris en sandwich et sensiblement réduit.

Annoncée comme probable successeur à Hillary Clinton à la tête du département d'Etat américain, l'équivalent du ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis, Susan Rice, actuelle ambassadrice des Etats-Unis à l'Onu, n'a pas supporté trop longtemps les pressions exercées sur elle autant de l'intérieur par le camp républicain que de l'extérieur par divers groupes de pression qui condamnent son fort penchant pour le régime en place à Kigali.

Ce qui est vrai, c'est que la diplomate américaine vient d'être rattrapée par l'histoire. Son soutien au président Kagame au sein de l'Onu a compromis ses ambitions de se retrouver à la tête du Département d'Etat américain. Elle s'est affichée de manière ostentatoire contre les intérêts congolais, allant jusqu'à bloquer toute résolution mettant en cause le rôle du Rwanda dans la nouvelle crise dans l'Est de la RDC.

Même si le drame de Benghazi, qui a causé la mort il y a quelques mois de l'ambassadeur des Etats-Unis en Libye, a joué en sa défaveur, il faut reconnaître que les liens d'amitié qu'elle entretient avec le président rwandais ont également pesé dans la balance. Elle est comptable de la tragédie qui sévit en RDC du fait de soutenir, sans fausse modestie, un régime qui arme et finance la rébellion du M23. Bref, Susan Rice traîne un passif tellement lourd que ses chances d'accéder aux commandes du Département d'Etat américain paraissaient minimes, sinon compromises.

C'est désormais acquis, elle ne succédera pas à Hillary Clinton. Néanmoins, elle garde son poste d'ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies.

La correspondance

C'est dans une correspondance adressée au président américain Barack Obama, et dont la date n'a pas précisée, qu'elle a renoncé à ses ambitions au Département d'Etat. Dans cette missive, apparemment de désespoir, elle demande au président américain de ne plus considérer sa candidature pour une nomination au poste de secrétaire d'Etat.

Le destinataire a tout de suite dit avoir pris acte de cette décision. Toutefois, rapporte BBC Afrique sur son site Internet, Barack Obama a dénoncé les attaques «injustes »contre celle qui restera encore à la tête de la représentation américaine aux Nations unies, un poste qu'elle occupe depuis 2009.

Depuis plusieurs semaines, Susan Rice faisait l'objet de vives critiques. Mais, outre son témoignage contradictoire à l'Onu sur l'attaque terroriste du consulat américain à Benghazi en Libye, son soutien à Paul Kagame dans son implication dans la déstabilisation de la RDC a finalement hypothéqué ses chances à la tête de la diplomatie américaine. Depuis, Susan Rice était déjà sur la sellette. Les républicains l'accusaient d'avoir trompé le public américain sur la nature de l'attaque.

Mais, dans l'opinion publique congolaise, qui salue unanimement sa disqualification du Département d'Etat américain, ses affinités avec le régime de Kigali ont nettement joué en sa défaveur. De toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant le Rwanda, Susan Rice a généralement pris la défense de Kigali. Elle a, à plusieurs reprises, bloqué la publication du rapport du groupe d'experts de l'Onu sur la situation d'insécurité en RDC. Elle a retardé sinon bloqué toute résolution du Conseil de sécurité sur la RDC mettant en cause l'implication du Rwanda. Elle en paye aujourd'hui le prix.

L'ange gardien de Kigali

Parlant d'elle, un vieux diplomate, familier des débats au Conseil de sécurité, a le témoignage suivant : «Chaque fois qu'il s'agit de rédiger une résolution concernant la guerre à l'Est du Congo, dénonçant les appuis extérieurs apportés aux rebelles du M23, la même scène se reproduit : le représentant français au Conseil de sécurité tient la plume et la représentante américaine, Susan Rice, intervient avec force pour adoucir le texte, évitant que le Rwanda soit explicitement nommé et mis en cause ».

Le lobby exercé autant par des ONG internationales que, tout récemment, par des parlementaires congolais a fini par porter des fruits. Nombreux craignaient que la présence de Susan Rice aux commandes du Département d'Etat ne raffermissent les ardeurs de Kigali dans sa soif de reconquête de la partie Est de la RDC. Avec l'exclusion de son principal soutien dans la course au Département d'Etat américain, Paul Kagame doit certainement revoir ses calculs.

Initialement considérée comme un atout - ce qui lui a même valu son ascension dans la diplomatique jusqu'à la représenter à l'ONU - la longue implication de Susan Rice dans la politique africaine, spécialement aux côtés de Paul Kagame qu'elle soutient contre vents et marées, s'est, à bout de compte, retournée contre elle.

Prudence à Kinshasa

Toutefois, elle garde encore plusieurs tours dans ses manches. Même écartée de la course au Département d'Etat américain, elle ne s'est départie de sa capacité de nuisance. Une certaine opinion estime que le désistement de Susan Rice serait une anticipation sur ce qui devait lui arriver. Et pour contourner, elle a pris les devants afin de sauvegarder son poste à l'Onu. De la sorte, elle pourrait poursuivre son sale boulot de soutien à Kagame et au Rwanda dont elle s'est faite l'ange gardien.

C'est pour dire qu'en RDC, l'on ne devait pas encore crier vite à la victoire. La vraie guerre consiste à isoler le plus possible Paul Kagame en le détachant de ses principaux soutiens occidentaux ; ceux qui le considèrent, à tort, comme élément central pour la paix dans la région des Grands Lacs. Ce que le Département d'Etat américaine qualifie de «diplomate tranquille »dans laquelle Kagame jouerait un rôle central dans la région. Heureusement qu'aujourd'hui, il est établi que le problème dans la région des Grands Lacs s'appelle Paul Kagame.

Longtemps couvert par le génocide de 1994 dont il s'en est servi comme fonds de commerce pour réclamer le soutien du monde entier à sa cause, Kagame en a abusé au point de s'en servir pour déstabiliser toute la région des Grands Lacs. Au fil du temps, le génocide rwandais ne fait plus recette sur la place internationale.

Par la faute de Susan Rice, Paul Kagame n'a nullement été inquiété. Même pas au nom de plus de six millions de Congolais tombés du fait des affrontements armés créés de toutes pièces dans l'Est du pays. Génocide que le monde tarde à reconnaître.

Décidément, le peuple attend voir l'administration Obama agir efficacement dans la région des Grands Lacs pour décourager le Rwanda dans son entreprise de déstabilisation de cette région de l'Afrique.

La chute de Susan Rice ne serait-elle par cet orage qui précède la tornade qui devrait s'abattre sur le Rwanda ? Difficile à prédire. Mais, c'est fort probable au regard de l'évolution de faits.

LP

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