Paul Kagame

Le Rwanda, cité dans plusieurs rapports d'experts onusiens comme ayant «coordonné la création du M23 comme ses principales opérations militaires », sera«à partir du 1er avril »le prochain président du Conseil de sécurité des Nation unies en train d'examiner l'«opportunité de créer une brigade d'intervention rapide »en RDC.

«La rébellion du M23, qui a commencé en avril 2012, a amené une nouvelle vague de malheurs dans l'est de la RDC. Il est en notre pouvoir de rompre ce cycle et de modeler quelque chose de différent. La stabilité à long terme est possible mais exige de s'attaquer aux causes profondes de cette violence », a déclaré mardi 05 mars à New York le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.

A cette occasion, il a invité le Conseil de sécurité à «à autoriser le déploiement d'une brigade internationale d'intervention (de 2.500 hommes) en République démocratique du Congo, (de lui) fournir l'appui politique nécessaire (pour) contenir la progression des groupes armés tant congolais qu'étrangers, les neutraliser, et les désarmer ».

Signalant que «la situation sécuritaire demeure fragile
(dans l'Est de la RDC) et exige des actions urgentes », Ban Ki-moon a précisé que des «consultations ont lieu avec les actuels pays contributeurs de contingents de la Monusco et avec des contributeurs potentiels de la brigade internationale afin de préparer, si le Conseil donne son feu vert, le déploiement rapide »de la brigade.

Dans la foulée, il a annoncé la nominatio
n d'un envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, qui travaillera en étroite collaboration avec les gouvernements des Etats de la région, pour accompagner la mise en œuvre des mesures prévues aux niveaux national et régional.

«Beaucoup d'espoirs »en RDC

Compte tenu de la «fragilité de la situation sur le terrain et de l'urgence », Le représentant du gouvernement congolais à l'ONU a demandé aux membres du Conseil de sécurité de «prendre rapidement une résolution autorisant le changement du mandat de la Monusco »pour en faire un «mandat beaucoup plus robuste ».

L'
ambassadeur Ignace Gata Mavita a aussi demandé au Conseil de sécurité d'autoriser le déploiement rapide de la brigade d'intervention pour «éradiquer les forces négatives, dont le M23, et aider à assurer une surveillance accrue des frontières orientales de la RDC ».

Il a affirmé que la RDC place «beaucoup d'espoirs
dans les deux initiatives qui découlent de l'Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC et dans la région »signé le 24 février à Addis-Abeba par 11 pays de la région (CIRGL, SADC, CEA).

Il s'agit de l'ajout de drones aux capacités de surveillance de la Monusco et de la brigade d'intervention rapide dont le mandat serait beaucoup plus robuste que les mandats traditionnels de maintien de la paix de l'ONU.

«En RDC, des milliers de personnes continuent chaque jour d'être victimes de la guerre. Avec plus ou moins 8 millions de personnes tuées en 15 ans de guerres successives, les massacres des civils de mon pays présentent l'un des tableaux les plus sombres que l'humanité ait jamais connu depuis la seconde Guerre mondiale », a-t-il souligné.

«Doutes »de diplomates

Sur l
a faisabilité de la brigade d'intervention rapide en RDC, des doutes ont été exprimés par des diplomates. «Le prochain président du Conseil, à partir du 1er avril, sera le Rwanda. Or Kigali est accusé par l'ONU de soutenir le M23, un des groupes armes actifs en RDC que la brigade est censée précisément combattre », a relevé l'un d'eux.

Selon l'ambassadeur russe
Vitali Tchourkine, les membres du Conseil «considèrent l'approche (de M. Ban Ki-moon) comme audacieuse et innovante, mais il y a eu un certain nombre de questions sur le renforcement de la Monusco ».

«Nous avons encore beaucoup de travail dans
les semaines à venir », a-t-il indiqué, émettant le souhait de l'adoption d'une résolution «avant fin mars ». Et pour cause : le Rwanda, impliqué da ns les conflits armés dans l'Est de la RDC, présidera le Conseil de sécurité à partir du 1er avril prochain.

Un diplomate (non autrement identifié) du Conseil de sécurité a signalé à la presse française que «les Etats-Unis de leur côté doutent des capacités militaires de la Monusco », en faisant remarquer que «les pays qui fournissent des troupes aux opérations de maintien de la paix de l'ONU (Guatemala, Pakistan notamment) ont évoqué les risques de représailles contre les Casques bleus tandis que la Russie et la Chine soulevaient des objections de principe ».

«Kigali, juge et partie »

«Kigali, qui a souvent été cité comme étant le principal soutien extérieur de la rébellion du M23 en RDC, sera en position de juge et partie à partir du 1er avril, lorsqu'il sera le président du Conseil de sécurité », s'inquiète-t-on à Kinshasa.

Avec l'Argenti
ne, l'Australie, le Luxembourg et la Corée du Sud, le Rwanda (seul candidat en lice pour l'Afrique) avait été élu membre non permanent du Conseil de sécurité le 18 octobre 2012 par la majorité requise des deux-tiers à l'Assemblée générale de l'ONU, pour un mandat de deux ans débutant en janvier 2013.

Mais, son élection avait soulevé des interrogations sur l'image du Conseil de sécurité, alors qu'un rapport d'experts de l'ONU accusait le Rwanda et l'Ouganda - malgré leurs dénégations - de soutenir activement les rebelles congolais du M23.

La Belgique, qui s'était abstenue lors de cette élection, avait alors virtuellement suspendu sa coopération militaire avec le Rwanda, mis en cause par des experts de l'ONU pour son soutien à une rébellion active dans l'Est de la RDC.

«On ne va pas former des militaires qui pourraient contribuer à la déstabilisation »de la RDC, avait expliqué à l'agence Belga le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders, précisant la suspension de la coopération militaire avec le Rwanda résultait d'«une concertation »avec son collègue de la Défense.

Les deux pays avaient conclu en 2004 un programme de partenariat militaire (PPM), portant principalement sur la formation de militaires rwandais - dont certains sont élèves-officiers au sein de l'Ecole royale militaire (ERM) à Bruxelles - ainsi que sur le sport, la recherche et la collaboration en ce qui concerne les grands brûlés.

En mai 2012, deux militaires belges avaient ainsi été envoyés à l'hôpital militaire de Kigali pour une durée de huit semaines afin d'y assister les spécialistes locaux en médecine tropicale.

Le 12 octobre 2012, des experts mandatés par les mêmes Nations unies accusaient dans un rapport que «le Rwanda et l'Ouganda soutiennent la rébellion armée du M23, Kigali a coordonné la création du M23 comme ses principales opérations militaires, alors que l'Ouganda a permis à la branche politique du mouvement d'opérer à Kampala et de développer ses liens avec l'extérieur ».

Le Rwanda «continue de violer l'em
bargo sur les armes en fournissant un soutien militaire direct aux rebelles du M23, en facilitant leur recrutement (...) ainsi qu'en (leur) fournissant armes, munitions et conseils politiques», affirmaient-ils.

«Dans les faits, l
e M23 est une nouvelle forme des groupes qui défendent, depuis le génocide de 1994, la minorité rwandophone vivant dans cette partie de la RDC», avait souligné Thierry Vircoulon du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).

Mettant en cause l'impartialité des experts onusiens, Kigali avait suspecté leur coordonnateur Steve Hege de «sympathie avec les Forces démocratiques du Rwanda (FDRL) », en évoquant un «agenda politique poursuivi par les experts (qui) n'a rien à voir avec les vraies causes du conflit qui touche l'Est de la RDC».

De son côté, le porte-parole de l'armée ougandaise Felix Kulayigye avait allégué que «ces fameux experts sont venus ici, mais ne nous ont pas contactés ».

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