Bosco Ntaganda

Cour pénale internationale

Depuis sa reddition lundi à l'ambassade américaine de Kigali, toute la communauté internationale a hâte de voir Bosco Ntaganda devant la barre pour répondre de tous les crimes qu'il a commis en RDC en 2002-2003, puis ces cinq dernières années. Devenu une patate chaude, son transfert à La Haye se négocie entre le Rwanda, son pays d'origine, et les USA, son pays de refuge actuel. La confirmation a été donnée par Michael Pelletier, le sous-secrétaire adjoint américain à la diplomatie publique et aux affaires africaines.

Le sous-secrétaire d'Etat adjoint à la diplomatie publique et aux affaires africaines, Michael Pelletier, a animé, hier mercredi 20 mars à partir des Etats-Unis, une conférence téléphonique, sur l'extradition de Bosco Ntaganda à la CPI. Des journalistes congolais et rwandais étaient les premiers concernés par cet échange avec ce haut diplomate de l'administration Obama. A Kinshasa, c'est avec une attention particulière que cet échange téléphonique était suivi par les professionnels des médias invités à l'occasion au Centre culturel américain.

D'entrée de jeu, Michael Pelletier plante le décor : «Nous sommes en contact avec le Rwanda, les Pays-Bas, la Cour pénale internationale pour le transfèrement de Bosco Ntaganda ». Le diplomate américain contredit directement Louise Mishikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères qui, pour des rasions faciles à deviner, a prétendu que c'était une affaire entre la RDC, pays de nationalité de Bosco Ntaganda et les USA où il a trouvé refuge dans les installations de sa représentation diplomatique à Kigali au Rwanda. Les masques tombent, et à l'évidence, tout se jouera entre Kigali et Washington. Le diplomate américain renchérit : «Nous partageons les mêmes valeurs et les mêmes objectifs que la CPI par rapport à ses efforts de mettre fin à la crise qui sévit dans l'Est de la République démocratique du Congo ».

A l'en croire, les Etats-Unis se sont engagés à mettre fin à la violence dans l'Est de la RDC. Des actes posés à travers la loi Dodd-Frank adoptée en 2010 pour combattre l'exploitation illégale des minerais dans l'Est de la RDC, l'appel téléphonique du président Obama à son homologue Paul Kagame pour rappeler les exigences d'une paix durable... démontrent à suffisance qu'à Washington, le ton n'est plus à la complaisance traditionnelle.

Saisissant l'opportunité offerte par cette rencontre le diplomate américain affirme : «Nous croyons qu'il est important de répondre à la demande de Bosco Ntaganda (d'être transféré à la CPI) », a-t-il indiqué. Et de poursuivre : «Nous demandons la coopération du gouvernement rwandais pour que le transfèrement de Bosco Ntaganda soit opéré le plutôt possible ».

A la question de savoir s'il était possible de préciser la date à laquelle Bosco Ntaganda sera extradé à la CPI, Michael Pelletier a répondu : «Il a été transféré à l'ambassade avec l'objectif d'être extradé à La Haye. Nous travaillons avec les différentes autorités du Rwanda, la CPI, les différents partenaires pour faciliter le transfèrement de Bosco Ntaganda. Nous croyons que l'extradition de Bosco Ntaganda à La Haye est une étape importante ».

Michael Pelletier corrobore ainsi l'information qui voudrait que ce soit Bosco Ntaganda, en personne, qui aurait demandé son transfèrement à la CPI. Balayant d'un revers de la main toute les craintes d'un retournement de la situation, le sous-secrétaire d'Etat note que même si les Etats-Unis ne sont pas signataires du Statut de Rome, «Nous travaillons avec le Rwanda pour l'extradition de Bosco Ntaganda afin de réaliser et respecter les objectifs et les valeurs de la CPI.

Nous avons confiance que tout le monde va travailler pour réaliser les valeurs et les objectifs de la CPI », a-t-il dit. Avant de souligner : «Le fait que nous ne soyons pas signataire du Statut de Rome, cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas travailler avec la CPI ». Les USA s'étaient engagés à offrir une récompense de 5 millions USD à quiconque coopérerait à l'arrestation de Bosco Ntaganda, pour démontrer toute leur volonté de mettre un terme à l'impunité dans cette partie du continent.

Quant à la question de savoir pourquoi Bosco Ntaganda a préféré trouver asile à l'ambassade des USA à Kigali, Michael Pelletier a dit : «Il est arrivé à l'ambassade des Etats-Unis à Kigali, au Rwanda, le 18 mars. Mais avant cela, nous avons été informés qu'il était au Rwanda ».

Une certaine opinion estime que le Rwanda serait en train de bloquer le transfèrement de Bosco Ntaganda. Répondant à cette préoccupation, le sous-secrétaire d'Etat adjoint Michael Pelletier a déclaré : «Nous sommes en train de discuter avec le Rwanda, les Pays-Bas, d'autres partenaires sur ce qui reste à finaliser. Le gouvernement rwandais a été appelé à ne pas créer des difficultés pour faciliter le transfèrement de Bosco Ntaganda ». Ce rappel à l'ordre de la superpuissance mondiale ne fait l'ombre d'aucun doute que Kigali se reprocherait des choses au point de faire du transfèrement de Bosco Ntaganda un sujet de discussions et de concessions.

Les morts congolais


M. Michael Pelletier a, par ailleurs, laissé entendre que les USA reconnaissent «les cinq millions de morts, victimes des guerres dans l'Est de la RDC ». «Nous ne pouvons laisser impunis les auteurs de ces crimes », a-t-il rassuré. Le gouvernement qui s'est mis, stratégiquement, à l'écart des discussions à ce stade, ne devra pas rester indéfiniment dans l'attente.

Une offensive diplomatique s'impose en vue de capitaliser cette reconnaissance américaine et obtenir rapidement que la justice internationale se saisisse de la question en vue de consolider durablement la paix dans la sous-région. Une paix sans justice n'est-elle pas éphémère ?

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