Bosco Ntaganda

Bosco Ntaganda hume désormais l'air infeste de la prison dorée de la Cour pénale internationale (CPI). La procureure Fatou Bensouda le présente comme l'un des «principaux instigateurs de l'instabilité qui prévaut sur l'ensemble de la région des Grands Lacs ». «Le colis »venant des brousses kivutiennes risque de provoquer des éclaboussures dans plusieurs capitales de la sous-région. Le procès en perspective prend des allures d'un déballage programmé.

L'ex-général Bosco Ntaganda a quitté vendredi l'ambassade des Etats-Unis à Kigali pour La Haye. La Cour pénale internationale a affrété un avion spécial pour conduire cet hôte encombrant des installations de la représentation diplomatique américaine à Kigali.

Déjà, la procureure de la CPI s'active à fixer la date de la première audience d'identification. Un procès s'annonce. Ntaganda doit désormais répondre de ses actes devant les juges de la CPI. Le moment est crucial. Pourquoi ? Parce que Ntaganda en connaît trop sur tous acteurs impliqués dans l'instabilité récurrente en RDC et dans la région des Grands Lacs. L'inculpation de Ntaganda devant les instances de la CPI présage d'un grand déballage dans la région des Grands Lacs.

«C'est une bonne journée pour les victimes de RDC et la justice internationale », s'est réjouie Fatou Bensouda, procureure de la CPI. Et d'ajouter : «Aujourd'hui, ceux qui ont souffert de la main de Bosco Ntaganda peuvent se réjouir du futur et la perspective que justice soit rendue ».

LES DOMMAGES COLLATERAU
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Si les victimes peuvent s'estimer heureuses de voir que la justice leur sera rendue, les maîtres à penser et commanditaires des actes posés par ce criminel redoutable de la sous-région devant passer désormais des nuits d'insomnies. Rien n'indique que Bosco Ntaganda va se taire et protéger ceux-là mêmes qui l'ont livré à la Cour pénale internationale. A Kigali et Kampala, on chante plutôt le «requiem »alors qu'à l'Est de la RDC, de l'Ituri au Nord-Katanga en passant par le Grand Kivu, le «Te Deum »est entonné pour saluer l'arrivée de l'ex-général des FARDC dans les locaux de la CPI à La Haye.

Bosco Ntaganda s'est rendu à l'ambassade des USA à Kigali le lundi 18 mars. Officiellement, l'ex-général, qui a toujours redouté la CPI, aurait demandé, cette fois-ci, de l'affronter. En réalité, il a décidé d'affronter son passé de chef rebelle sans cœur. Le message posté par la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mishikiwabo a sonné comme une sirène : «Bosco Ntaganda vient de décoller de Kigali et se trouve entre les mains de responsables de la CPI ».

Tous les rapports publiés sur la situation d'instabilité dans l'Est de la RDC ont toujours démontré, avec des preuves documentées, l'implication de Kigali et Kampala. Considérées comme de «principaux instigateurs de l'instabilité qui prévaut sur l'ensemble de la région des Grands Lacs », il serait superflu qu'au box des accusés, ces deux capitales soient exemptées de comparaître. L'affaire Bosco Ntaganda promet de déboucher sur un procès à rebondissements. Le drame de l'Est de la RD Congo ne peut être l'affaire d'un individu, aussi puissant soit-il.

En réalité, Bosco Ntaganda a agi sous les ordres et la protection des puissances qui vont au-delà de simples groupes armés. Il a bénéficié d'immenses soutiens dans la région et au-delà de la Méditerranée et de l'Atlantique. La nouvelle vedette de la CPI a été au cœur de deux décennies de violences dans la région des Grands Lacs. Son transfèrement à la CPI devait être l'occasion d'un grand déballage dans la région des Grands Lacs. Il a été de tous les coups qui secouent la sous-région jusqu'à sa reddition le lundi 18 mars 2013.

Bosco Ntaganda a fourbi ses armes dans l'Armée patriotique rwandaise, qui deviendra plus tard la «Rwanda Defense Forces ». Il a traversé la frontière rwandaise pour participer en 1996 à la marche de l'AFDL qui a abouti à la chute de Mobutu une année après. De tous les corps expéditionnaires rwandais en RD Congo, il a réussi à infiltrer l'armée congolaise.

En effet, depuis son intégration dans les rangs de l'AFDL, il n'est plus retourné au Rwanda, son pays natal. Aussi, se fera-t-il signaler par la suite, aux côtés de Thomas Lubanga en Ituri entre 2002 et 2003. Ntaganda avait prêté main forte à la commission de graves violations des droits humains dans cette partie du pays. Il retrouve ce jour son ancien chef Thomas Lubanga qui, le premier, en paie déjà le prix.

Habitué à la violence, il n'a pas supporté les efforts pour le retour de la paix en Ituri. Son instinct de guerrier insatiable l'a poussé à se rendre plus au Sud, notamment dans la province du Nord-Kivu où il a poursuivi son aventure militaire sous le label du CNDP jusqu'à sa plus récente apparition dans les rangs du M23.

UNE LUEUR DE PAIX DANS L'EST DE LA RDC


Pour avoir participé à toutes les guerres dans l'Est de la RDC, l'audition de Ntaganda à la CPI promet d'être mouvementée. Dans la région, l'on craint déjà de troublantes révélations qui pourraient faire basculer certains édifices. «Bosco Ntaganda est un élément clé de la guerre (par procuration) de Kigali dans le Kivu (Nord et Sud) depuis au moins dix ans », estimait Thierry Vircoulon de l'International Crisis Group. Ce qui rejoint les déclarations antérieures de la procureure de la CPI qui le considère comme le principal maillon de l'instabilité dans les Grands Lacs.

La CPI souhaite donc le juger pour des crimes contre l'humanité commis dans l'Est de la RDC en 2002 et 2003 et qui font l'objet de deux mandats d'arrêt depuis 2006 pour meurtres, viols, pillages et enrôlements d'enfants. Sans doute, d'autres charges pourraient lui être imputées en cours de son procès à la CPI, compte tenu du grand activisme qu'il a affiché dans tous les conflits qui minent l'Est de la RDC.

ICC-CPI-2013
0322-PR888

Communiqué de presse :
22.03.2013


Bosco Ntaganda est désormais détenu
par la CPI
Situation : République démocrati
que du Congo
Affaire :
Le Procureur c. Bosco Ntaganda

Aujourd'hui, le vendredi 22 mars 2013, Bosco Ntaganda, à l'encontre duquel la Cour pénale internationale (CPI) a délivré deux mandats d'arrêt, s'est rendu volontairement à la Cour. Il est actuellement en détention et accompagné par une délégation de la CPI qui a quitté Kigali (Rwanda) vers le quartier pénitentiaire de la CPI à La Haye (
Pays-Bas).


A son arrivée, M. Ntaganda recevra une visite médicale et comparaîtra, le plus tôt possible, devant les juges en présence d'un avocat de la défense. La date de l'audience de première comparution sera annoncée prochainement. Au cours de l'audience de première comparution, les juges de la Chambre préliminaire II vérifieront l'identité du suspect et la langue dans laquelle il pourra suivre les procédures. Le suspect sera informé des charges portées à son encontre. Les juges fixeront également une date pour l'ouverture de l'audience de confirmation des charges, une étape préliminaire nécessaire pour déterminer si l'affaire sera renvoyée en p
rocès ou non.

C'est la première fois qu'un suspect se rend de façon volontaire pour être détenu à la CPI. La Cour est reconnaissante pour le soutien et la coopération des autorités néerlandaises et américaines, que ce soit à Kigali (Rwanda) ou aux Pays-Bas. Cette opération n'aurait pas été possible sans le soutien des autori
tés du Rwanda.

La coopération de l'Etat congolais a été essentielle pour les enquêtes de la CPI en Ituri et au Kivu (République démocratique du Congo). La CPI a délivré deux mandats d'arrêt à l'encontre de Bosco Ntaganda les 22 août 2006 et 13 juillet 2012. En tant qu'ancien chef adjoint présumé de l'état-major général des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), M. Ntaganda est suspecté de sept chefs de crimes de guerre (l'enrôlement et la conscription d'enfants de moins de quinze ans, le fait de les faire participer activement à des hostilités, meurtre, attaque contre la population civile, viol et esclavage sexuel, et pillage) et de trois chefs de crime contre l'humanité (meurtre, viol et esclavage sexuel, et persécution) qui auraient été commis en Ituri, République démocratique du Congo (RDC) entre le 1er septembre 2002 et fin
septembre 2003.

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