Bosco Ntaganda

Pour sa première comparution à la CPI

Bosco Ntaganda a comparu pour la première fois, hier mardi, devant les juges de la Cour pénale internationale. Contre toute attente, l'homme a tenté de se dépouiller de son nationalité rwandaise », mentionnée dans le mandat de la CPI pour se réclamer citoyen congolais. Or, le prévenu va se fourvoyer en choisissant le kinyarwanda comme langue de comparution. On ne s'exprime mieux que dans sa langue maternelle. Apparemment, Ntaganda aurait fait le choix de la diversion alors toutes les populations victimes des Grands Lacs attendent avec impatience son procès.

L'affaire Ntaganda à la Cour pénale internationale (CPI) promet de donner lieu un procès à rebondissements. Pour sa première comparution, hier mardi 26 mars, devant la Chambre préliminaire II de la CPI, Bosco Ntaganda a fait preuve d'un revirement spectaculaire, allant jusqu'à remettre en cause certains prescrits du mandat émis contre lui par la juridiction internationale de La Haye. Il s'agit, notamment, de sa nationalité.

Considéré jusqu'à ce jour par la CPI comme citoyen rwandais, Bosco Ntaganda a, pour sa première confrontation avec les juges de la CPI, renié sa nationalité rwandaise. Il a prétendu être un citoyen congolais. Cependant, il a commis, tout de suite après, un premier faux pas. Il a choisi le kinyarwanda comme langue de comparution. Et pourquoi pas le swahili qu'il parle couramment pour avoir vécu des années dans la partie Est de la RDC, à dominance swahiliphone ?

Peut-être lui posera-t-on plus tard la question de savoir si le kinyarwanda ferait partie de quatre principales langues de la RDC ou encore des 450 qui correspondent chacune aux ethnies qui composent le Congo.

La préoccupation actuelle de beaucoup d'observateurs est de savoir pourquoi il a choisi cette ligne de défense. Même si c'est prématuré d'anticiper sur l'issue de ce procès, l'attitude de Ntaganda procéderait d'une certaine logique qu'il est, à ce jour, seul à en cerner les tenants et aboutissants.
Crever l'abcès

La communauté internationale et, particulièrement les populations des Grands Lacs, attendent de Ntaganda qu'il crève l'abcès en dénonçant tous ceux qui l'ont aidé, depuis plus d'une décennie, à semer la mort et la désolation dans la région. Depuis l'Ituri où il a œuvré aux côtés de Thomas Lubanga, déjà condamné par la CPI, en passant par le Rwanda où il a fait ses premiers pas dans le métier des armes au sein de l'Armée patriotique rwandais, jusqu'à ses récentes apparitions dans la province du Nord-Kivu avec le CNDP, puis le M23, Bosco Ntaganda a été de tous les coups fourrés recensés dans les Grands Lacs.

Aujourd'hui, c'est devant la CPI que celui qu'on surnommait «Terminator »doit rendre compte de ses crimes. Pas évident que Ntaganda coule seul. Il va certainement faire des révélations et, peut-être, dénoncer certains leaders de la région des Grands Lacs et d'autres disséminés à travers le monde. Le procès Ntaganda réserve bien des surprises. Cependant, tout dépendra de la volonté de Ntaganda à coopérer avec la Cour.

Est-ce que la Cour va faire foi à ses déclarations et le poursuivre comme sujet congolais ? Y a-t-il des choses que l'inculpé voudrait cacher à la population congolaise dont il se réclame ?

Pour sa première apparition publique à la CPI, Bosco Ntaganda a ôté son treillis de général. C'est dans un costume sombre, veste noire et cravate bleu foncé, qu'il s'est présenté devant la CPI. Au cours de cette brève apparition (moins d'une heure), il a dit être né le 5 novembre 1973 au Rwanda mais se prévaut de la nationalité congolaise.

Concernant sa détention provisoire, Bosco Ntaganda a confirmé en être informé et a immédiatement ajouté son intention de plaider «non coupable », brûlant les procédures de la Cour. «J'ai été informé de ces crimes, mais je plaide non coupable », a-t-il déclaré, avant d'être interrompu par la juge Ekaterina Trendafilova, qui lui a expliqué que l'objet de l'audience n'était pas de savoir s'il plaidait coupable ou non coupable. «Le but de la comparution initiale est très limité », a indiqué la juge, rappelant qu'il s'agit notamment d'informer le suspect des crimes qui lui sont imputés : «vous aurez plus tard de nombreuses opportunités de vous exprimer ».

23 septembre 2013 : audience de confirmation des charges

C'est le 23 septembre 2013 que la Chambre préliminaire II de la CPI a fixé l'ouverture de l'audience de confirmation des charges dans l'affaire «Le procureur contre Bosco Ntaganda ». Lors de l'audience de première comparution, en présence de l'accusation et de la défense, représentée par le conseil de permanence Me Hassane Bel Lakhdar, Mme la juge Ekaterina Trendafilova, présidente de la Chambre préliminaire II, a vérifié l'identité de M. Ntaganda et s'est assurée qu'il a été informé des crimes qui lui sont reprochés et des droits que lui reconnaît le Statut de Rome.

Une audience de confirmation des charges sert à déterminer s'il y a des motifs substantiels de croire que le suspect a commis ces crimes. Si la Chambre préliminaire décide de confirmer les charges, elle renverra l'affaire devant une Chambre de première instance, laquelle sera chargée de conduire la phase suivante de la procédure, à savoir le procès lui-même.

Le 22 mars 2013, Bosco Ntaganda s'est rendu volontairement à la Cour où il est actuellement en détention. La CPI a délivré deux mandats d'arrêt à l'encontre de Bosco Ntaganda les 22 août 2006 et 13 juillet 2012.

En tant qu'ancien chef adjoint présumé de l'état-major général des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), M. Ntaganda est suspecté de sept chefs de crimes de guerre (l'enrôlement et la conscription d'enfants de moins de quinze ans, le fait de les faire participer activement à des hostilités, meurtre, attaque contre la population civile, viol et esclavage sexuel, et pillage) et de trois chefs de crime contre l'humanité (meurtre, viol et esclavage sexuel, et persécution) qui auraient été commis en Ituri, République démocratique du Congo entre le 1er septembre 2002 et fin septembre 2003.

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