Joseph Kabila - RDC Cherche Président

Le Président Joseph Kabila finit son dernier mandat en 2016, mais le temps commence à être long. L'homme traîne un bilan de 12 ans au pouvoir extrêmement médiocre en matière de développement économique, de sécurité et de défense nationale. Au point de donner l'impression, au quotidien, de laisser tout sombrer. Le Congo est, en effet, secoué par des évènements à peine croyables qui donnent à penser que, finalement, il n'y a plus personne aux commandes du pays. Il devient même urgent d'envisager de combler rapidement le «vide »au sommet de l'Etat, ce que la Mission des Nations unies essaie d'entreprendre, sur le plan de la sécurité, et plusieurs «conseillers occidentaux »affectés à différents ministères clés.

Sécurité et défense nationale : un terrain vague ?

Le Congo part en miette au vu des évènements dans le Katanga, le Kivu et la Province orientale.

Des Mai-Mai s'emparent de la deuxième ville du pays

Le 23 mars dernier, les habitants de Lubumbashi, deuxième ville du pays et capitale de la province stratégique du Katanga, n'en ont pas cru leurs yeux en voyant débouler sur la ville une foule des Maï-Maï Bakata-Katanga. Les miliciens avaient donc réussi à traverser d'un bout à l'autre, une province grande comme la France pour s'emparer de la deuxième ville du pays. Et dire que cette pagaille s'est produite dans la région d'origine du Chef de l'Etat (biographie officielle[1]). Joseph Kabila n'a donc plus d'autorité dans sa «propre »région d'origine devenue le foyer des inciviques capables de semer une telle pagaille.

Le Katanga, poumon économique du Congo, est pourtant une région où se concentrent des intérêts vitaux (mines de cuivre, cobalt, étain, uranium, manganèse, charbon,...) pour le Congo, les multinationales et les grandes puissances préoccupées par la sécurité des sources d'approvisionnement en produits minéraux.

Quel est donc ce pays dont une province aussi riche et stratégique, terre d'origine du chef de l'Etat, peut être à ce point traversée comme un terrain vague par des miliciens juste armés de quelques fusils, de bâtons et d'armes blanches dans la totale inaction des autorités ?

Tous les Présidents africains peuvent tout perdre sauf le contrôle de la sécurité dans leurs régions d'origine. Kadhafi est mort réfugié dans sa région de Syrte. Ainsi Joseph Kabila, s'il devait être sérieusement mis en difficulté à Kinshasa, n'aurait plus de région au Congo où il pourrait se mettre à l'abri au milieu des «siens ».

Le M23 fait ce qu'il veut dans le Kivu

Le Katanga n'est pas la seule province stratégique du Congo confrontée à cette «inexistence »de l'Etat. Le 20 novembre 2012, les miliciens du M23 s'étaient emparés de Goma, la capitale de la province stratégique du Nord-Kivu, dont le sous-sol renfermerait jusqu'à 80 % des réserves mondiales du coltan, le précieux métal utilisé dans la fabrication des téléphones portables. L'armée nationale avait quitté la ville sans combattre. Depuis, les miliciens tiennent toujours leurs positions, retirés à quelques kilomètres seulement de la ville, sur demande du Conseil de sécurité de l'ONU. Et les journalistes qui reviennent de la région font état d'une armée nationale complètement à l'abandon pendant que les «ennemis »se renforcent militairement. Ils peuvent donc, à tout moment attaquer et mettre en déroute une armée dont le commandant suprême s'appelle Joseph Kabila (article 83 de la Constitution). Le commandant suprême d'une armée malade et qui ne s'en occupe même plus. Depuis, celle-ci fait littéralement n'importe quoi (cas du viol de 126 femmes à Minova ).


Quel est ce Président au monde, dont une des régions regorgerait d'une richesse aussi précieuse mais qui choisirait de ne rien faire pour en assurer le contrôle ? Le Président Angolais, confronté à l'insécurité dans l'enclave du Kabinda, riche «seulement »en pétrole, y avait envoyé les meilleures unités de l'armée angolaise. Joseph Kabila, lui, a choisi d'attendre... attendre la brigade de l'ONU dont on sait pertinemment qu'elle n'obtiendra aucun résultat. C'est sûrement le seul chef d'Etat qui croit que le territoire national peut être défendu par des soldats étrangers, et non par des soldats nationaux.

La Province Orientale s'érode

Le Kivu et le Katanga ne sont pas, hélas, les seules régions confrontées au vide sécuritaire. Dans la province Orientale, riche en or et en diamant, le gouvernement de Kinshasa ne sait plus comment venir à bout d'au moins trois seigneurs de guerre qui sèment la désolation. Un certain Cobra Matata du FRPI, le tristement célèbre Joseph Kony de la LRA et un certain Morgan connu pour avoir notamment massacré des okapis. A chaque exaction, ces groupes armés laissent les habitants dans le sentiment d'un vide d'Etat absolument tragique.

Si un Président ne peut pas toujours protéger sa population, il entreprend au moins de contrôler le territoire national, surtout quand celui-ci regorge d'autant de richesses. Mobutu consacra toute son énergie à défendre le territoire nationale. Sous Joseph Kabila, le Congo a les allures d'un terrain vague dans lequel n'importe quelle force extérieure ou intérieure peut sévir sous le regard impuissant des autorités. Sans les casques bleus, le pays serait une sorte de vaste Somalie au centre de l'Afrique. Et tout porte à croire que d'ici à 2016, le régime ne sera toujours pas en mesure de garantir la sécurité et la défense nationale. D'ailleurs, à l'ONU, on ne se fait plus d'illusion. On a prolongé le mandat des casques bleus pour la nième fois et les Congolais ne voient même pas comment les forces de l'ONU pourraient quitter le Congo et laisser la population entre les mains des «autorités pareilles ».


Economie et social : le paradoxe d'un pays richissime avec un peuple misérable

Faites comme Chavez et les émirs !

Le Congo est réputé pour être un des rares pays du monde disposant d'immenses richesses minières, en quantité (premières réserves mondiales du coltan, du cobalt,...) et par leur diversité (plus de 50 types de roches minérales y ont été découverts : coltan, cuivre, or diamant, pétrole, uranium,....). On estime le potentiel minier du Congo à 24 mille milliards de dollars, c'est-à-dire largement plus que les réserves pétrolières de l'Arabie Saoudite[2]. Sans compter le potentiel agricole d'un pays entièrement vert, fertile, traversé par de grands fleuves et rivières ; et couvert au 2/3 par la forêt équatoriale (2ème poumon de la planète après la forêt amazonienne).

Comme n'importe quel dirigeant d'un pays dans une telle situation (Arabie Saoudite, Qatar, Venezuela), les dirigeants congolais ont juste à vendre les produits du sol et du sous-sol et procéder comme Hugo Chavez et les émirs des monarchies pétrolières (payer les salaires, équiper les écoles, les hôpitaux, les administrations publiques ; construire les routes,...). Bref «utiliser »tout bêtement les recettes tirées de la vente de leurs «richesses naturelles »dans l'intérêt de la population.

Mais rien. Rien de tout cela ne se produit au Congo de Kabila comme l'illustre le rapport du PNUD. Le Congo est tout dernier au classement mondiale de la pauvreté (186ème sur 186 pays, voir rapport 2013 du PNUD, page 209[3]). Les salaires sont ridicules, quand ils sont payés, jusque dans l'entourage du Président de la République. Des anecdotes à peine croyables sont régulièrement rapportées. Il arrive que des soldats affectés à la sécurité du Président Kabila, demandent «un peu d'argent »aux visiteurs venus à la rencontre du Chef de l'Etat. Problème de salaire ou de mentalité ?

Changement démocratique, «printemps congolais », quel scenario ?

On en est donc là en présence d'un régime calamiteux. Même les puissances étrangères qui ont imposé Joseph Kabila à la tête du Congo se rendent compte que l'homme ne fait pas du tout l'affaire. Ainsi chaque jour qui passe mène les Congolais, accablés par la misère et un pouvoir-qui-ne-marche-pas, dans l'envie de tout renverser et basculer dans un scenario entre la prise de la Bastille et le printemps arabe.

En attendant, tout le monde découvre en regardant autour de soi des Congolais toujours plus nombreux dans les files d'attente devant les administrations instruisant les demandes d'asile. La RD Congo est parmi les pays fournissant le plus grand nombre de demandeurs d'asiles dans le monde. Une situation qui se produit lorsqu'un pays n'est plus gouverné ou se trouve livré à la prédation de «dirigeants »irresponsables. Ainsi le monde entier a l'impression qu'il doit s'occuper du Congo et de sa population confrontée aux problèmes de survie (demandeurs d'asile, réfugiés, exilés économiques), aux problèmes sociaux (plus de 200 ONG aident les Congolais de l'intérieur) et aux problèmes de sécurité nationale (la communauté internationale verse 1,5 milliard de dollars pour financer la force de l'ONU dans un pays dont les autorités ne s'occupent plus de l'armée nationale).

Le Congo et les Congolais ne devraient pas représenter un tel «poids »pour la solidarité internationale. Le régime de Joseph Kabila, dont on retient ce tableau calamiteux, apparait ainsi comme une faute politique majeure des puissances occidentales qui l'ont imposé[4] au peuple congolais.

Boniface MUSAVULI

[1] Joseph Kabila, dont les origines font encore débat, est, selon la biographie officielle, fils de l'ancien Président Laurent-Désiré Kabila qui était d'ethnie luba (nord du Katanga) par son père et lunda (sud du Katanga) par sa mère.

[2] Selon le magazine britannique New African, dans un article intitulé «The curse of coltan («La ruée vers le coltan ») le potentiel minier du Congo s'élève à 24 mille milliards de dollars, largement plus que les réserves pétrolières de l'Arabie Saoudite (18 mille milliards).

[3] http://hdr.undp.org/en/media/HDR_20...

[4] Pierre Péan, Carnage - Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Éditions Fayard novembre 2010, p. 418.

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