L'Union européenne célèbre, ce 9 mai, la déclaration de Robert Schuman, ancien ministre français des Affaires étrangères. En prévision de cet événement, l'ambassadeur de l'UE en RDC, Jean-Michel, a, au cours d'un entretien à bâtons rompus avec Le Potentiel, déclaré : «l'Union européenne est fondée sur les valeurs de justice, de tolérance, de démocratie, de liberté, de coopération internationale. C'est dans cet esprit de partenariat qu'elle entend placer sa relation avec la République démocratique du Congo ». Ci-dessous, l'intégralité de l'interview.

9 mai, fête de l'Europe. Que représente cette date pour vous ? Quelles valeurs célèbre l'Europe ?

L'Union européenne célèbre la déclaration de Robert Schuman, le 9 mai 1950, qui a fondé la reconstruction de l'Europe après la guerre ainsi que la réconciliation franco-allemande. Je crois que c'est une riche expérience qui pourrait d'ailleurs être suivie dans d'autres continents, d'autres régions, cela évidemment en respectant la spécificité des conditions particulières qui existent dans ces régions. L'Europe s'est construite sur cette volonté de paix, et depuis bientôt 70 ans, l'Union européenne est fondée sur les valeurs de justice, de tolérance, de démocratie, de liberté, de coopération internationale. Et c'est dans cet esprit d'ailleurs de partenariat que l'Union européenne entend placer sa relation avec la République démocratique du Congo.

Quel est l'état de la coopération entre la RDC et l'Union européenne ?

Il est très bon. L'Union européenne, y compris ses Etats membres, est évidemment le premier partenaire de la RDC tant sur le plan politique que sur le plan du développement. Sur le plan politique, l'Union européenne appuie le processus de paix, notamment dans la région des Grands Lacs. Sur le plan du développement, l'Union européenne, Etats membres y compris, apporte un milliard deux cent millions de dollars chaque année dans le cadre de sa coopération dans des domaines qui sont importants pour la RDC. Je citerai, notamment, les infrastructures, les routes, la réhabilitation de la liaison fluviale sur le fleuve Congo entre Kinshasa et Kisangani, sur la rivière Kasaï jusqu'à Ilebo; la réforme du secteur de sécurité; qu'il s'agisse des Forces armées avec EUSEC, de la Police nationale congolaise, à travers notamment EUPOL, du secteur de la justice, le domaine de la Santé et celui de l'environnement.

Le Premier ministre Matata vient de totaliser une année à la primature. Quelles sont les actions que vous retenez de cette année et quelles sont vos attentes ?

Le Premier ministre, dans son discours inaugural il y a un an, devant le Parlement congolais, a placé la gouvernance au cœur de son action. Je crois que c'est bien là toute la question. La République démocratique du Congo est un pays riche. Il y a d'autres pays dans le monde qui ne disposent pas d'autant de ressources naturelles. Tel n'est pas le cas de la RDC. Evidemment, on pense aux richesses minières, mais au-delà de cela, il y a l'agriculture qui pourrait nourrir bien plus d'habitants. Il y a le fleuve, l'eau, les ressources hydroélectriques, les forêts, il y a une population très entreprenante. Il est scandaleux de constater qu'avec toutes ces potentialités, la RDC se trouve au dernier rang de l'indice du développement humain. Il faut donc mobiliser ces ressources, et c'est d'abord une question de gouvernance, et c'est sur cette question que nous coopérons étroitement avec le gouvernement de la République démocratique du Congo. Pour cela, il faut que le gouvernement congolais réussisse à mobiliser les ressources fiscales et budgétaires. Le défi est d'augmenter de façon très sensible les ressources du budget de l'Etat pour alimenter les secteurs de l'éducation, de la justice, de la santé. Car des progrès ont été réalisés sur le plan macroéconomique : l'inflation est maîtrisée, le cours de la monnaie est stable, la croissance est là. Il faut que la population en bénéficie. Pour cela, il faut que les services sociaux de base soient assurés, il faut donc que les rentrées fiscales soient là, notamment celles qui peuvent provenir du secteur des mines. Et là, nous sommes prêts à assister le gouvernement congolais, d'une part, pour tout ce qui est la gestion des finances publiques. Il y a, en ce domaine, un certain nombre de programmes que nous soutenons. Dans la mise en œuvre des programmes sociaux de base, nous sommes prêts aussi à coopérer, à travailler avec les autorités congolaises, à la fois sur la réforme budgétaire, la réforme de l'administration et dans la mise en place d'un certain nombre de programmes sociaux, particulièrement au niveau du ministère de la Santé publique, d'autre part.

Pensez-vous que le déploiement de la brigade d'intervention des Nations unies dans l'Est de la RDC mettra fin aux problèmes récurrents d'insécurité dans cette partie du pays ?

En tout cas, nous l'espérons. Et nous faisons tout, l'Union européenne et ses Etats membres, pour que la chance que représente le déploiement de la brigade d'intervention des Nations unies soit effectivement suivie d'effets. C'est une opportunité à saisir. Il y a des éléments incontestablement positifs. L'Accord-cadre d'Addis-Abeba marque une volonté de l'ensemble des Etats de la région, les protagonistes directement mais plus largement l'ensemble de la Communauté africaine et l'ensemble de la communauté internationale, puisque l'Union européenne fait partie des institutions garantes de l'Accord d'Addis-Abeba, il y a donc une volonté d'aller de l'avant. Le deuxième élément, c'est l'engagement de la Communauté internationale à travers la résolution 2098 qui prévoit à la fois un mandat plus robuste pour la Monusco, le déploiement de la brigade d'intervention et la désignation de l'envoyée spéciale des Nations unies pour la région des Grands Lacs, Mme Mary Robinson, une européenne d'ailleurs, qui vient d'effectuer une tournée dans la région. C'est donc une chance. L'Union européenne, en tant que garante de l'Accord d'Addis-Abeba, est décidée à appuyer ce processus. Mais il est clair qu'il n'y aura pas de solution militaire à la crise qui prévaut dans cette région, il faut que la chance que représente la brigade d'intervention soit saisie, pour que s'engage un dialogue qui permette de traiter réellement les problèmes de fond qui se posent dans la région. A cet égard, l'Accord d'Addis-Abeba comporte un certain nombre d'engagements des pays voisins qui doivent s'abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures de tout Etat. A cet effet, vous vous rappelez notre position. L'Union européenne tient à la souveraineté, à l'unité, à l'intégrité territoriale de la RDC. Mais, il y a aussi des engagements de la part de la RDC, notamment en ce qui concerne la réforme du secteur de la sécurité, c'est-à-dire des FARDC, de la Police, la justice et nous sommes décidés d'accompagner le gouvernement de la RDC dans le cadre de notre partenariat pour qu'il mène à bien ces réformes. Nous pensons qu'il y a là une fenêtre d'opportunités. Le temps est vraiment compté, il faut que cette chance soit saisie.

Quelle lecture faites-vous de l'évolution du procès Chebeya ?

Ce qui nous paraît important, c'est que le procès aille à son terme, qu'il fasse éclater la vérité et que les auteurs de ce crime soient punis.

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