Ban Ki-Moon, Paul Kagame et Jim Yong KimMalgré tous les crimes qu'il a commis et fait commettre en RDC et dans les Grands Lacs, l'homme fort de Kigali continue de bénéficier de l'indulgence et de l'attention particulière des Nations unies. Qu'est-ce Ban Ki-moon veut insinuer en invitant Paul Kagame à user de son charisme politique pour la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs ? Deux choses. L'une qu'il est le gendarme de la sous-région ; l'autre qu'il est le fauteur des troubles attitré.

Après son passage à Goma où il a palpé du doigt les atrocités commises sur la population congolaise, le secrétaire général de l'ONU s'est envolé pour Kigali, le jeudi 23 mai 2013, qu'il a d'ailleurs quitté ce le vendredi 24 mai 2013 pour Kampala. Dans un langage diplomatique teinté de franchise, il a invité le président rwandais à «user de son charisme politique pour la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs ». Ban Ki-moon n'a fait que confirmer le rôle de gendarme reconnu au président Kagame dans la sous-région des Grands Lacs. Cette mission, le successeur d'Habyarimana l'exerce-t-il à la satisfaction de tous ? Là est toute la question.

En le disant tout haut, Ban Ki-moon lève un pan de voile sur la vraie perception des subtilités et de la complexité de la situation d'insécurité dans les Grands Lacs africains où l'on hésite à nommer les tireurs de ficelles. Or, dans le cas d'espèce, le président rwandais est bel et bien ce fauteur des troubles attitré qui abuse de sa casquette de «gendarme ».

Quid ? Doté de moyens conséquents pour bien jouer son rôle de régent de la sous-région, Paul Kagame s'est plutôt détourné de sa mission première pour investir dans la déstabilisation systématique de son géant voisin. Jouant au libérateur, il a séduit les compatriotes qui se hâtaient de se débarrasser la dictature atroce de Mobutu. Il a bénéficié de l'appui (mais aussi de la confiance !) des puissances occidentales, notamment les USA, la Grande-Bretagne, pour finir un travail commencé à l'intérieur par une grogne grandissante.

Or, la lutte de libération avait comme soubassement le pillage systématique de l'ex-Zaïre. Tombeur de l'Ougandais Yoweri Museveni dans ce rôle de gendarme de la sous-région, Paul Kagame s'est révélé comme un vrai exécuteur du vieux projet de balkanisation de la RDC. Par son biais, les maffieux de tous poils ont fait irruption sur le territoire national, particulièrement dans l'Est du pays, où ils ont assis l'une des plus grandes entreprises de prédation jamais connues dans le monde.

Le fauteur des troubles

Pendant près de deux décennies, le nouvel homme fort de Kigali après l'assassinat d'Habyarimana a joui de l'indulgence de la communauté internationale qui s'était rendue coupable de non assistance à peuple rwandais en danger de génocide. Cette conscience chargée de la communauté internationale a poussé Paul Kagame à se permettre tout dans les Grands Lacs, particulièrement en RDC : piller, tuer, violer, détruire l'environnement, dans une impunité indicible.
Avec le temps, ce chantage a fini par lasser.

Aussi les Nations unies ont-elles initié des enquêtes dont les rapports ont confirmé le rôle négatif joué par le régime de Kigali en RDC. C'est ici que l'autre versant de la phraséologie de Ban Ki-moon saute au grand jour. Fin diplomate, il a voulu faire comprendre à son interlocuteur qu'il est aussi fauteur des troubles que l'on déplore aujourd'hui dans les Grands Lacs et pour lesquels un accord-cadre de paix a été signé à Addis-Abeba et une Résolution (2098) du Conseil de sécurité de l'Onu a été adoptée à New York.

En d'autres termes, Ban Ki-moon a demandé poliment à l'organisateur de la déstabilisation de la sous-région d'user du même génie (charisme) pour procéder à réparer ce qu'il a détruit. Cela en termes de développement et de convivialité.

Au fond, la communauté internationale ne peut plus se dérober quant à la justesse des accusations des Congolais contre les voisins bellicistes tournés plus vers le trafic des ressources naturelles de leur pays. En le déclarant à voix audible à Paul Kagame, le secrétaire général de l'Onu appelle ce dernier à se conformer aux dispositions de l'accord-cadre signé le 24 février 2013 dans la capitale éthiopienne. Dès lors le nœud du problème est touché.


Quand Ban Ki-Moon souffle le chaud et le froid

Toujours à l'étape de Kigali, le secrétaire général des Nations unies a dit de l'accord cadre d'Addis-Abeba que c'était «la meilleure chance de paix depuis de nombreuses années »dont les pays des Grands Lacs, concernés, ne devraient pas rater. Beau rappel et belle invitation à œuvrer pour la paix. Mais là où le bat blesse c'est lorsque Ban Ki-moon trouve urgent de relancer le processus de Kampala alors qu'il n'en a pas été le cas pour le déploiement de la Brigade spéciale d'intervention. Or, Kampala, dans l'opinion congolaise est une sorte de tribune montée pour blanchir le M23 dont les exactions et autres crimes odieux commis avec l'appui de Kigali sont documentés par les rapports pertinents des experts des Nations unies.

Ban Ki-moon n'est-il pas en train de souffler le chaud et le froid en appelant Paul Kagame à user de son «charisme »pour ramener la paix dans les Grands Lacs sans le condamner pour l'appui qu'il ne cesse d'apporter à une force négative, en l'occurrence le M23? L'accord–cadre d'Addis-Abeba n'interdit-il pas aux pays signataires de soutenir les groupes armés actifs dans l'Est de la RDC ?

Veut-il, comme l'a déclaré le président rwandais, privilégier le volet politique qui tend à faire du M23 une force politique et non une force négative que la Brigade spéciale doit traquer et neutraliser ? Jusqu'à quand les revendications et les attentes du peuple congolais seront-elles encore repoussées au profit des intérêts des seigneurs de guerre et de leurs parrains ?

Les Nations unies, dont le secrétaire général a palpé du doigt les dures réalités congolaises, devront y réfléchir deux fois.

-- © Le Potentiel