Ministre Labille

Le ministre belge des Entreprises Publiques et de la Coopération au développement, le socialiste wallon Jean Pascal Labille

Durant sa visite de trois jours au Rwanda (13 au 15 juin 2013), le ministre belge des Entreprises Publiques et de la Coopération au développement, le socialiste wallon Jean Pascal Labille est allé apporter un soutien diplomatique de taille à Paul Kagame au moment où ce dernier subit un isolement diplomatique tous azimuts pour son implication et celle de son armée dans la guerre menée au Congo depuis 1996. Une visite à contre-courant pour les analystes congolais dans la mesure où les propos surréalistes tenus par le ministre belge ne sont pas de nature à contribuer à encourager une résolution systémique globale de la crise qui ravage la région des Grands-Lacs voici bientôt vingt ans. Que nenni ! Les déclarations de M. Labille viennent plutôt renforcer le Rwanda et le réconforter à maintenir sa politique belligène et d'exclusion dont l'onde de choc secoue l'Est du Congo depuis 1994.

Le motif de cette visite, selon le socialiste wallon, est de renforcer les relations bilatérales entre le Rwanda et la Belgique, parce que son pays considère le Rwanda comme un partenaire clé dans la région. Il l'a fait savoir en ces termes: "Lors de ma rencontre avec le Président (Ndlr : Kagame), nous avons parlé des problèmes régionaux et les solutions possibles et bien d'autres choses liées à notre partenariat. Nous considérons le Rwanda comme notre principal partenaire dans la coopération au développement dans la région et nous sommes impressionné par ce que le Rwanda est en train de réaliser et de ce qu'il est devenu. Le Rwanda demeure l'un des rares pays susceptibles d'atteindre les Objectifs millénaires de développement".

Derrière ces déclarations liées officiellement à son portefeuille ministériel, la vraie face cachée de cette visite concerne la situation sécuritaire de la région des Grands-Lacs. Ainsi, commentant la proposition du président tanzanien Jakaya Kikwete invitant le Rwanda à envisager des négociations politiques inclusives et directes avec FDLR - Une déclaration saluée par tous -, le ministre belge, membre d'un gouvernement accouché à la suite d'âpres négociations politiques au moment où la Belgique était confrontée à une crise de régime sans précédent, a plutôt voulu demeurer fidèle à la tradition du «fantôme du statu quo colonialiste nostalgique de la Belgique envers cette région qui subit aujourd'hui encore les répercussions néfastes de la taxinomie anthropologique belge réductrice ethnique, séparatiste, binaire et manichéenne à connotation raciste au service du colonialiste. Cette anthropologie de la première heure (selon D. Van Reybrouck, «Congo. Une Histoire », 2012, pp.131-136) établit des monographies ethnographiques où les tribus se virent attribuer des caractéristiques, comme des nationalités en Europe. Au Congo, écrit Van Reybrouck, apparurent des équivalents de l'Ecossais pingre, du Sicilien paresseux, de l'espagnol crasseux et de l'Allemand travailleur mais sans aucun sens de l'humour. Les habitants de la colonie commencèrent aussi à adopter ce regard sur eux-mêmes et entre eux...

Ainsi, dans une rhétorique à contre sens de ce qui est de plus en plus admis par une large majorité d'observateurs et experts de cette crise régionale très violente comme la voie de passage obligée à une solution systémique globale, c.à.d., encourager davantage le Rwanda d'ouvrir son espace politique et démocratique par un dialogue franc et sans faux-fuyant avec les FDLR, voici le ministre Labille venir prôner le statu quo qui maintient la région des Grands Lacs à feu et à sang depuis depuis deux décennies par des déclarations inadmissibles qui montre que la Belgique est encore loin de tirer les leçons de l'Histoire de son action apocalyptogène en Afrique Centrale :
«Nous devons rester prudents lorsqu'il s'agit de traiter la crise au Congo si nous devons trouver une solution. Je ne suis pas tout à fait sûr du contexte dans lequel le Président tanzanien a fait les commentaires au sujet des négociations avec les FDLR, mais je crois que nous ne pouvons pas exiger Rwanda de négocier avec les génocidaires alors que le pays se remet encore de génocide. Il s'agit plus d'une provocation que d'une suggestion pour une solution ». Voilà une déclaration provocatrice d'un ministre fédéral belge piégé, qui vient de mordre à l'hameçon de la falsification de l'histoire par le lobby de l'oligarchie Tutsi au pouvoir à Kigali, à l'instar de son compatriote wallon Louis Michel qui a traité le 9 septembre 2012 Kagame d'un grand Leader. Le même M. Michel qui a initié en septembre 2012 le club de lobbying en faveur des actions de Kagame qu'il a baptisé Les Amis du Rwanda. Une sortie médiatique qui a suscité l'indignation des Congolais et amis du Congo par un communiqué de presse du 12 septembre 2012.

Enfin pour conclure avec cette ultime manœuvre politicienne belge contre les Congolais, il me semble opportun de rappeler au ministre belge, le wallon Mabille, la réponse parlementaire de son homologue flamand chrétien, Pieter de Crem de la Défense. En effet, à une question parlementaire belge (Question nr 4-5089 du 01 décembre 2009 posée par la sénatrice Els Schelfhout sur la Coopération militaire belge au Rwanda, le Ministre De Crem, dans sa réponse du 5 janvier 2010, n'a ni plus ni moins reconnu l'implication active du Rwanda dans la crise à l'Est de la RDC, en plus d'admettre les liens étroits qu'entretient le Rwanda avec les pays considérés comme bailleurs de la RSS au Congo en ces termes:

«... le général Charles-Henri Delcour (Ndlr : ancien chef d'Etat-major général de l'Armée belge), a rencontré au début septembre 2009 lors d'une visite de deux semaines le président Paul Kagame, le premier ministre Bernard Makusa et le chef d'état-major de l'armée James Kabarebe (qui fut chef d'état-major de l'armée congolaise sous Laurent Désiré Kabila). On connaît les liens étroits qui unissent la Grande-Bretagne et les États-Unis au régime de M. Kagame. Il n'est donc pas surprenant que ces deux États entretiennent un partenariat fort avec l'armée rwandaise. En revanche, depuis la prise de pouvoir par le Front patriotique rwandais (FPR), la Belgique a sérieusement diminué sa coopération militaire active avec le Rwanda. La visite du chef d'état-major belge laisse toutefois supposer que notre pays veuille renforcer la coopération militaire bilatérale avec le Rwanda, comme elle l'a fait avec la République démocratique du Congo et le Burundi.»

«Je vous fais part de ma préoccupation quant à cet éventuel renforcement du partenariat militaire entre la Belgique et le Rwanda. Je pense que notre pays doit éviter que sa coopération militaire ne contribue au renforcement d'un régime non démocratique qui affecte une très grande part de son budget à des dépenses militaires et dont l'armée joue un rôle néfaste et ambigu dans l'Est du Congo, une zone de l'Afrique centrale où nous essayons par des voies diplomatiques de contribuer à des solutions durables au conflit qui s'éternise.»(Les Armées au Congo-Kinshasa, Radioscopie de la Force publique au FARDC)

Une préoccupation qui malheureusement n'est pas partagée ni suivie par les wallons des institutions fédérales belges qui naviguent à contre-courant de la recherche des solutions durables au conflit qui s'éternise au Congo. De plus, ce que le ministre Labille oublie est que le nombre de victimes du génocide rwandais causé par les interhamwe Hutu au Rwanda, moins de 1.000.000 suivant les estimations fantaisistes les plus élevées, est de très loin inférieur aux plus de 6.000.000 de morts congolais du fait de la guerre exportée du Rwanda par Kagame au Congo, via notamment le M23 interposé [un groupe négatif au même titre que les FDLR qui ne sont pas tous génocidaires, rappelons-le (une autre falsification de la vérité par les officines de renseignement de Kagame)]. Un Groupe armé de tueurs et violeurs des congolais avec lequel tout le monde, y compris la Belgique, demande, de manière schizophréniquement paradoxale, au Gouvernement congolais de négocier. Deux poids deux mesures non !

Il ne reste plus qu'aux Congolais de prendre leur responsabilité car leur salut ne viendra jamais de l'Orient encore moins de l'Occident qui ne cesse de démontrer jour après jour son "Congo pessimisme" et son hypocrisie !

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