Après avoir sévèrement grondé Kigali

Longtemps passifs sur la crise qui ronge la partie Est de la RDC, les Etats-Unis n'ont pas pu se retenir face aux évidences contenues dans le dernier rapport de Human Rights Watch. Le département d'Etat américain a sommé, mardi 23 juillet 2013, le Rwanda de stopper son soutien aux rebelles du M23. Réservé, malgré toutes les atrocités commises par Kigali dans l'Est de la RDC, Washington est finalement revenu à la raison. Un appel que la Monusco s'est empressée d'applaudir, hier mercredi 24 juillet, à Kinshasa. Désormais, tous les regards sont tournés vers Washington qui doit jouer franc jeu pour mettre fin à la machine criminelle qu'entretient, impunément jusque-là, le Rwanda dans la région des Grands-Lacs.
Cette fois-ci, c'est peut-être le bon. Les Etats-Unis ont rompu avec la langue de bois en dénonçant ouvertement, dans une déclaration faite mardi, par le porte-parole de son département d'Etat, la mainmise du Rwanda dans la crise qui secoue depuis plus d'une décennie la partie Est de la République démocratique du Congo. Le dernier rapport de Human Rights Watch, rendu public le lundi 22 juillet 2013, a sûrement pesé sur la balance. Jusqu'à pousser l'administration Obama à revoir sensiblement sa position par rapport à la crise dans la région des Grands-Lacs.
Longtemps réservés, les Etats-Unis ont donc franchi le Rubicon. C'est sans détours ni circonlocutions que Washington pointe clairement du doigt Kigali qu'il considère comme principal responsable du drame perpétuel qui s'abat sur l'Est de la RDC.
«Le ton est sévère », commentent divers observateurs, plus qu'il ne l'avait été jusqu'à présent entre Washington et Kigali. «Nous appelons le Rwanda à cesser immédiatement tout soutien au M23 », a déclaré la porte-parole du département d'Etat, Jen Psaki, avant d'ajouter que Kigali doit retirer son personnel militaire de l'Est de la RDC et respecter ses engagements.
C'est la première fois, se dit-on dans les milieux diplomatiques, que Washington accrédite de manière aussi appuyée la thèse du soutien rwandais au M23.
L'administration Obama qui s'appuie, entre autres, sur les révélations contenues dans le dernier rapport de HRW assure que «les Etats-Unis disposent d'un ensemble de preuves crédibles reliant les principaux dirigeants rwandais aux groupes rebelles », sans donner d'autres détails. Dans tous les cas, il s'agit d'une situation qui n'arrange sûrement pas le président rwandais, Paul Kagame, dont les crimes odieux commis dans l'Est de la RDC ne trouvent plus preneur dans les rangs de ses parrains.

LA MONUSCO CROIT A UN IMPACT «POSITIF »
Hier mercredi, la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) a, dans son point de presse hebdomadaire, salué le durcissement de ton de Washington. Pour la Monusco, le pas important franchi augure des lendemains apaisés pour une sortie de crise dans l'Est de la RDC.
L'appel de Barack Obama à Kigali de ne plus soutenir les groupes armés du M23 «renforce »l'Accord-cadre d'Addis-Abeba et aura des répercussions «positives »sur le terrain, a soutenu, mercredi dans son point de presse hebdomadaire, le porte-parole civil de la Monusco.
Cette déclaration est «conforme à l'esprit et à la lettre de l'Accord d'Addis-Abeba », selon lequel tous pays extérieurs cessent leur soutien aux groupes armés dans l'Est de la RDC. Et «en ajoutant [la] voix [des Etats-Unis], ça ne peut que donner plus de force », a précisé Madnodje.
Mardi, l'administration américaine avait exigé, par voie de son porte-parole au Département d'Etat, Jen Psaki, «que le Rwanda mette immédiatement fin à toute forme d'aide au M23 (et) retire son personnel militaire de l'Est de la RDC », à la lumière de l'«ensemble des preuves crédibles »soulevées par le rapport de l'ONG Human Rights Watch (HRW).
Selon ce que l'Ong américaine avait révélé lundi, les rebelles du M23 auraient sommairement exécuté une quarantaine de personnes et violé une soixantaine de femmes depuis mars dans l'Est de la RDC, tout en bénéficiant du support du Rwanda.
«Non seulement le Rwanda permet au M23 de se procurer des recrues et de l'équipement sur son territoire, mais les militaires rwandais continuent d'apporter un soutien direct à ce groupe qui commet des exactions », a soutenu HRW.
Ce qui n'a pas laissé indifférentes la diplomatie américaine et la présidence. «La Maison Blanche partage les vues du département d'Etat », a du reste confirmé Jen Psaki, refusant de préciser, rapporte RFI, si Washington et Kigali ont été en contact après la publication du rapport de Human Rights Watch.
Toutefois, selon le porte-parole de la force onusienne en RDC, ce rapport «n'a rien dit de nouveau », mais «renforce ce que la Monusco a toujours dit ».
D'ailleurs, la présence du Rwanda au Conseil de sécurité de l'Onu, à l'heure où la Bridage d'intervention de la Monusco est déployée sur le terrain, n'aurait aucun impact sur les actions de cette dernière. «Notre mandat reste le même », a martelé M. Mounoubai.



UNE VOIX, PEU D'ACTION
Déjà le 1er juillet, lors de sa visite officielle en Tanzanie, Barack Obama avait appelé les pays de la région à ne pas soutenir le conflit se déroulant dans l'Est de la République démocratique du Congo.
«Les pays entourant le Congo doivent prendre l'engagement de cesser de soutenir les groupes armés », avait demandé le président américain, sans préciser à quels pays il faisait référence.
Mardi, le gouvernement des Etats-Unis s'est refusé à annoncer des mesures ou sanctions contre le Rwanda pour le soutien qui serait apporté par certains hauts responsables rwandais aux rebelles du M23.
Or, pour plus d'un observateur, les déclarations du département d'Etat américain doivent être suivies d'actions sur le terrain en vue de faire basculer sensiblement la donne dans la région des Grands-Lacs. De ce point de vue, les Etats-Unis sont dans l'obligation de jouer franc jeu en évitant de couvrir subtilement les crimes que continuent de commettre le Rwanda dans l'Est de la RDC, par le M23 interposé. Ils ne peuvent, par conséquent, continuer à caresser Kigali dans le sens du poil.
De toutes les façons, il n'y a plus de doute sur la forte implication du Rwanda dans le drame qui s'abat perpétuellement dans l'Est, pour lequel plus de six millions de Congolais ont déjà péri.

ALLER JUSQU'AU BOUT
En tant que Nation qui a su bâtir son indépendance et sa prospérité par la lutte, les Etats-Unis ont, au-delà de leur statut de première puissance mondiale, le devoir moral d'intervenir pour venir au secours du peuple congolais en danger.
Heureusement que, jusque-là, les signaux en provenance de Washington sont rassurants. Preuve de sa détermination à ramener la paix dans la région des Grands-Lacs, l'administration américaine a, par ailleurs, confirmé qu'une réunion du Conseil de sécurité, centrée sur la situation dans l'Est de la RDC et dans la région des Grands-Lacs, se tiendrait ce jeudi 25 juillet à New York, en présence du Secrétaire d'Etat américain, John Kerry.
Dans le même ordre d'idées, les Etats-Unis qui assument pour ce mois de juillet la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations unies tiennent à élucider toute l'énigme de la crise dans l'Est de la RDC et dans la région des Grands-Lacs.
Lors de sa conférence de presse au siège de l'ONU pour présenter le programme mensuel du Conseil de sécurité qui sera présidé par les Etats-Unis durant le mois de juillet, la présidente de cet organe de l'ONU et Représentante permanente adjointe des Etats-Unis, Rosemary DiCarlo, avait souligné que l'agenda serait en particulier marqué par un débat ministériel sur la situation en RDC et la région des Grands Lacs.
Le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, son envoyée spéciale pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson, et le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, interviendront également à ce débat qui sera consacré à cette partie de l'Afrique.
Outre le Rwanda, qui est membre du Conseil de sécurité, la RDC, l'Ouganda et l'Union africaine seront également représentés à un haut niveau, apprend-on de sources diplomatiques américaines.

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