ONU

Contrairement aux attentes

Annoncé bien avant les déclarations du département d'Etat américain sur la crise dans les Grands Lacs, la conférence organisée hier jeudi au Conseil de sécurité des Nations unies, sur initiative des Etats-Unis, a finalement livré ses secrets. Pas d'avances significatives. Sinon des déclarations d'intention qui supplient presque toutes les parties impliquées dans cette crise à «cesser de soutenir les groupes rebelles armés ». On pensait cependant que le Conseil de sécurité s'engagerait dans la voie des actions dissuasives. Il n'en a pas été le cas. Faisant semblant de hausser le ton, le Conseil de sécurité à préférer se taire quant aux sanctions contre les principaux coupables, notamment le Rwanda.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a déjoué tous les pronostics, se réservant, au terme d'une réunion spéciale organisée hier jeudi à son siège de New York sur la RDC et la région des Grands Lacs, à se prononcer clairement sur les causes réelles de ce drame. Comme à ses habitudes, le Conseil de sécurité a préféré se camoufler derrière des déclarations qui sèment de plus en plus de doute sur sa nette volonté à venir à bout de la pieuvre de la partie Est de la RDC.

L'ORDRE DU JOUR

La réunion ministérielle a cherché à stimuler les efforts visant à garantir que la paix dans la région des Grands Lacs africains demeure une question hautement prioritaire pour la communauté internationale et le Conseil de sécurité.

S'appuyant sur le modèle de stratégie conjointe pour le développement et l'action politique, et œuvrant de concert avec la MONUSCO (Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo), le Conseil de sécurité s'est appesanti, au cours de cette réunion, sur un exposé conjoint du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et du président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim. L'envoyée spéciale du secrétaire général des Nations unies dans les Grands Lacs, Mary Robinson, et des représentants de haut niveau de l'Union africaine, de la RDC et de l'Ouganda ont fait également des exposés sur la situation sur le terrain.

Parmi les attentes de cette réunion spéciale, il était prévu que les parties obtiennent l'accord du Conseil de sécurité sur le texte d'une déclaration de son président soulignant l'importance de la mise en œuvre par les parties des engagements auxquels elles ont souscrit dans l'accord-cadre, d'un dialogue soutenu de la communauté internationale et d'une coordination plus étroite entre les donateurs pour veiller à ce que l'assistance fournie soutienne l'action menée au niveau national et régional en vue de s'attaquer aux causes profondes du conflit dans la région des Grands Lacs.

Annoncée en début de ce mois par la représentante ad intérim des Etats-Unis aux Nations unies, Rosemary A. DiCarlo, la réunion spéciale Conseil de sécurité avait nourri de grands espoirs dans la région.

Dans l'opinion publique congolaise, l'on pensait que le Conseil de sécurité traduirait dans les faits les menaces proférées mardi par le département d'Etat américain contre le régime de Paul Kagamé qu'il a ouvertement indexé comme principal soutien des rebelles du M23. Après ces remontrances, l'on s'attendait donc à ce que cette réunion spéciale du Conseil de sécurité, convoquée sur initiative des Etats-Unis, enfonce le clou. Il n'en a malheureusement pas été le cas.

LES ESPOIRS DEÇUS

Dans la déclaration faite à l'issue de cette rencontre, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, s'est juste limité à lancer un appel à mettre un terme au soutien étranger apporté aux rebelles dans l'Est de la République démocratique du Congo.

Sans nommer un pays, rapporte l'AFP, mais en visant implicitement le Rwanda, John Kerry a souligné que les Etats-Unis étaient «très inquiets»des informations faisant état d'un renouveau de soutien extérieur apporté aux rebelles du M23 qui s'opposent aux forces du gouvernement congolais.

Le Conseil de sécurité de l'ONU, dont le Rwanda fait actuellement partie, a de son côté adopté une déclaration appelant à la «non-ingérence»dans les affaires congolaises. Il s'est cependant abstenu de prendre des sanctions à l'encontre des parties mises en cause dans le drame de l'Est de la RDC, principalement le Rwanda, nommément cité par Human Rights Watch dans son dernier rapport sur la région des Grands Lacs.

«Je veux le dire avec insistance ici aujourd'hui (Ndlr : jeudi 25 juillet), toutes les parties doivent cesser de soutenir les groupes rebelles armés, tous les gouvernements doivent faire en sorte que ceux qui violent les droits de l'Homme (...) en soient tenus responsables », a déclaré le chef de la diplomatie américaine lors de cette réunion spéciale du Conseil de sécurité des Nations unies.

C'est dire qu'on n'est pas sortir de l'auberge, à l'issue de cette réunion spéciale de New York. En effet, le problème demeure entier. Et il restera ainsi tant que les Nations unies hésiteront à engager des actions coercitives à l'encontre du Rwanda ; pays qui arme et entretient les rebelles du M23, considéré désormais comme forces négatives par l'ensemble de la communauté internationale.

Une fois encore, le Conseil de sécurité a déçu. C'est la preuve non seulement de graves contradictions qui minent l'institution mondiale, mais aussi des intérêts parfois opposés qui entravent le bon de cet organe de décision des Nations unies. Pourtant, dans la suite des déclarations engagées faites par le département d'Etat américain, le Conseil de sécurité avait une belle occasion de se repentir, en se mettant du côté des populations meurtries de la RDC, soit plus de six millions de morts déjà causés par l'entreprise criminelle qu'entretient Kigali dans la partie Est du Congo. Le drame dure depuis plus d'une décennie.

LA LIBERTE SE GAGNE

Décapitée et incapable de s'engager dans la voie de l'action, le Conseil de sécurité n'a pas pu, malgré l'influence américaine dans le débat, de briser la glace de sa compromission.

Que faut-il encore attendre d'une structure qui a clairement étalé ses limites. C'est la question que se posent le Congolais moyen, dépité face à l'inaptitude des Nations unies à condamner un Etat voyou, le Rwanda, qui remet en cause, sans vergogne, les bases d'existence même des Nations unies.

La présence du Rwanda qui siège au Conseil de sécurité a certainement pesé sur la décision. Est-ce pour autant qu'il faille désespérer ? Pas du tout.

Le verdict de la réunion spéciale du Conseil de sécurité doit servir, contrairement à ce que l'on redoute, de stimulant aux troupes des Forces armées congolaises qui se battent dans l'Est du pays. C'est la preuve patente que la sortie de crise dans l'Est de la RDC ne viendra ni de l'Occident ni de l'Orient. Seule la lutte que même le peuple congolais lui permettra de déjouer le piège de l'Est du pays.

La RDC est bel et bien victime d'une conspiration. Sinon, rien ne saurait justifier les balbutiements dont fait preuve le Conseil de sécurité des Nations unies face aux évidences qui mettent à nu le mauvais rôle du Rwanda dans la crise qui sévit dans l'Est de la RDC et de la région des Grands Lacs.

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