En RDC, l'Eglise catholique vient de réaffirmer son opposition à tout projet de révision de la Constitution et précisément de l'article 220 qui garantit l'alternance politique après deux mandats. Pourquoi l'Eglise s'engage-t-elle sur ces questions ? Comment justifie-t-elle son positionnement ? Et quel regard portent les religieux du Congo sur la situation politique et sur les instances en place aujourd'hui telles que la Céni ? Pour en parler, notre invité sur RFI ce matin est Monseigneur Fridolin Ambongo, le président de la commission Justice et paix de la Conférence épiscopale nationale congolaise, la Cenco. Il répond aux questions de Marie-Pierre Olphand.

RFI : L'église congolaise avait mis en garde déjà au mois de juin contre une révision de l'article 220 de la Constitution. Pourquoi aujourd'hui, vous remontez au créneau ?

Monseigneur Fridolin Ambongo : Quand nous avions publié notre message intitulé «Protégeons notre nation », le gouvernement avait réagi en disant que l'épiscopat congolais faisait un procès d'intention au gouvernement qui n'avait pas l'intention de modifier l'article 220. Mais depuis début juillet, il est devenu clair que le gouvernement veut changer l'article 220.

Qu'est-ce qui vous permet de dire qu'aujourd'hui, l'intention des autorités est claire ?

C'est une évidence pour tout le monde. Il y a des déclarations officielles faites par le gouvernement en disant qu'il n'y a aucun article qui est tabou parce que partout dans le monde, on change de constitution. Mieux que ça, quand la majorité s'est réunie dernièrement, nous avons entendu des déclarations de certains va-t-en-guerre. Pour eux, cette constitution est mal faite. Elle est dépassée. On doit la changer absolument alors que cette constitution n'a même pas vingt ans.

Mais officiellement pour l'instant, il n'y a aucun projet de modification de cet article 220. Seul l'article 197 qui concerne le mode d'élection des députés provinciaux est soumis à une possible révision ?

L'intention est là. Ils commencent par les autres articles et à l'arrivée, l'article 220 sera vidé de son contenu.

Le climat politique actuel vous inquiète ?

Le climat politique actuel nous inquiète parce que nous n'avons pas toujours l'impression que tout le monde veut jouer un franc jeu politique et un franc jeu démocratique au Congo.

Aujourd'hui c'est important pour vous que le président Kabila rende son tablier, si on peut dire, au terme de ses deux mandats en 2016 ?

Nous respectons la loi du pays et la loi fondamentale du pays dit, après deux mandats, celui qui a fait ces deux mandats doit partir. Et lui, il a fait deux mandats. Logiquement il doit partir. C'est une question de principe.

Est-ce que vous prenez cette position aujourd'hui parce que l'opposition est trop faible à vos yeux et ne se bat pas assez contre ces intentions de modifier la constitution ?

L'Eglise catholique a toujours joué un rôle prophétique, indépendamment de la position de l'opposition. Quand il y a un danger qui pointe à l'horizon, c'est le rôle du prophète d'attirer l'attention en sonnant l'alarme. Et c'est ce que nous sommes en train de faire.

Mais quand vous demandez à tous les prêtres de sensibiliser les fidèles contre les tentatives de modification de la constitution, est-ce que là vous ne sortez pas un peu de votre devoir de réserve ?

Mais qui nous demande un devoir de réserve ? Est-ce que Jésus-Christ a fait un devoir de réserve quand il a exercé son ministère ? Non.

Mais de fait, vos déclarations s'assimilent à des positions politiques ?

Ça dépend ce que vous entendez par position politique. Là où il y a une influence d'un homme sur les autres, il y a politique. Et dans ce sens-là, on peut dire que il y a de la politique dans ce que nous faisons. Mais il y a de la politique partout.

On a entendu certaines voix dans la majorité présidentielle ces derniers temps réclamer un référendum pour que ce soit le peuple au final qui décide. Est-ce que pour vous, ce serait une solution ?

Vous connaissez un peu la réalité chez nous. Il faut encore qu'il y ait des consultations justes, transparentes et équitables. Or chez nous, il y a encore ce problème-là que nous n'avons pas encore réglé, le problème de la crédibilité des instances qui organisent les élections. Organiser une consultation dans le contexte actuel, on connaît d'avance les résultats. Ça, c'est un. Puis deux, la Ceni est en train de nous dire qu'elle n'a pas assez d'argent pour organiser les élections locales. Alors où est-ce qu'on trouvera l'argent pour organiser un référendum ?

Vous avez choisi de suspendre votre participation au Comité d'intégrité et de médiation électorale (Cime). Est-ce que c'est justement parce que vous n'avez pas confiance dans le processus qui est préparé par la Céni ?

La Céni, dans sa nouvelle formule, n'a pas encore organisé les élections mais il y a certaines choses qui nous inquiètent dans ses prises de position, notamment la question des suffrages : si ont dit, on va procéder aux élections au suffrage indirect et pas au suffrage universel comme c'était jusque maintenant, ça fait quand même poser quelques questions sur l'intention réelle de la Céni. Tant que nous ne nous sommes pas encore mis d'accord avec la Céni, nous ne pouvons pas prétendre être présents dans une instance qui est chargée de contentieux électoraux.

Vous vous trouvez en ce moment à Rome, vous avez eu l'occasion de rencontrer le pape François. Quelle est sa position sur cette question de changement constitutionnel au Congo ?

Ça ne fait pas partie des questions qu'on discute avec le pape. Mais le pape nous a encouragés à continuer à mener le combat que nous menons pour l'avènement d'un Congo plus beau qu'avant, plus fort, plus uni et qui peut aller tout doucement vers son développement et le développement de tous les enfants du Congo.

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