Jim Yong Kim, président de la Banque mondiale et Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU.

Alors que des affrontements ont repris dans la ville de Goma entre les rebelles du M23 et les forces armées de la RDC, Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, et Jim Yong Kim, président de la Banque mondiale, entament justement une tournée en RDC et dans deux pays voisins (Ouganda et Rwanda) impliqués dans le conflit armé qui sévit à l'Est de la RDC.

Cette visite a une forte dimension économique. Jim Yong Kim a ainsi promis hier matin à Kinshasa que son institution apporterait un milliard de dollars pour financer notamment des projets hydro-électriques et le commerce transfrontalier dans la région.

La présence de deux dirigeants dans les Grands Lacs est certes saluée. Elle est en effet le signe que les populations des Grands Lacs qui paient le prix fort de ce conflit qui dure depuis près de 20 ans restent sur l'agenda international. L'occasion leur est ainsi donnée de témoigner directement des violences, du viol et de toutes les formes d'exactions dont elles sont victimes.

Les investissements n'amènent pas toujours la paix

Cependant l'agenda principal de cette visite inspire deux avis. En effet, les deux dirigeants arrivent dans la région en faisant le pari qu'un investissement massif dans l'économie engendrerait automatiquement des effets bénéfiques pour la paix. Or, si les investissements dans les projets que les deux responsables veulent promouvoir sont utiles, il n'est pas assuré qu'ils ramènent la paix. C'est même parfois le contraire.

Nul ne peut nier par exemple que la mise en route d'une centrale hydroélectrique peut potentiellement apporter de l'électricité dans une région qui en est grandement dépourvue et améliorer le quotidien des populations. Mais ce raisonnement peut échouer dans un environnement marqué par la corruption, et sans une prise en compte des aspirations profondes des populations, ce «méga projet »risque d'engendrer des conflits locaux, favoriser l'accaparement des ressources et nuire à l'environnement.

Exploitation des minerais : il faut des mesures contraignantes

De même, pour être cohérents, Ban Ki-moon et Jim Yong Kim ne doivent pas laisser de côté l'un des principaux facteurs du conflit dans la région. En effet, le conflit dans les Grands Lacs a une dimension économique forte. Depuis la fin des années 90, plusieurs belligérants se nourrissent des richesses minières des régions du Kivu pour s'armer et se renforcer. Cette situation perdure d'abord à cause de l'incapacité des États à sanctionner leurs ressortissants et les opérateurs économiques dont la participation à cette économie de guerre est avérée.

Cela concerne par exemple le Rwanda et l'Ouganda, mais aussi des pays émergents comme l'Inde. Cette impunité dans le pillage des ressources naturelles au profit de groupes armés est aussi la conséquence de l'absence ou de l'insuffisance de dispositifs internationaux pouvant empêcher que ces ressources dites du conflit n'accèdent au marché international.

Si Ban Ki-moon et Jim Yong Kim veulent enrayer le cycle de violences armées dans cette région du monde, ils doivent aussi s'engager à promouvoir au niveau international des initiatives contraignantes qui imposeraient aux acteurs économiques le devoir de diligence. Une démarche simple pour les obliger à exclure de leurs chaînes d'approvisionnement des minerais dont l'exploitation et le commerce financent la violence.

Ce qui finalement les ramènera à contraindre le Rwanda à mettre fin son entreprise de déstabilisation de la région des Grands Lacs.

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