Presidents Grands Lacs

La sortie de crise de la région des Grands Lacs passe par une approche globale entre tous les pays impliqués. Dans ces conditions, l'apport de la communauté internationale, au travers de tous les mécanismes prévus dans l'accord-cadre d'Addis-Abeba, ne devait servir que d'appoint à la dynamique interne imprimée par les pays de la région. L'option levée le week-end à Addis-Abeba au terme d'une réunion qui s'est penchée sur la situation sécuritaire dans les Grands Lacs africains. C'est sans compter avec les réfractaires qui tirent meilleur parti du statu quo.

Rencontre à huis clos hier dimanche à Addis-Abeba entre tous les protagonistes à la crise dans la région des Grands Lacs. Le président de la RDC, Joseph Kabila Kabange, qui a fait le déplacement de la capitale éthiopienne a également participé à cette rencontre à côté d'autres chefs d'Etat de la région, notamment le Rwandais Paul Kagame et l'Ougandais Yoweri Museveni.

Foyer d'instabilité depuis des décennies, ravagé par des milices rivales, l'Est de la RDC, convoité pour ses immenses ressources minières, a fait l'objet d'une réunion des pays signataires de l'accord-cadre en marge d'un sommet de l'Union africaine (UA) dans la capitale éthiopienne.

Les onze dirigeants régionaux se sont réunis pour la première fois afin de mettre en œuvre un accord de paix qu'ils ont conclu en février dernier.
Si aucune annonce concrète n'a été faite immédiatement après la réunion, le secrétaire général des Nations unies, qui prenait aussi part à cette rencontre, a bien avant les discussions, effleuré les grands sujets en discussion. Il a dit qu'une paix durable n'était possible dans la région des Grands Lacs que «si tous les pays signataires (Ndlr : de l'accord-cadre d'Addis-Abeba) travaillent ensemble pour sortir de l'impasse politique et créer une nouvelle dynamique en faveur de la sécurité de la population et du développement économique ».

Les pays de la région sont touchés d'une manière ou d'une autre par des mouvements rebelles. Toutefois, il se constate une grande concentration des forces de déstabilisation sur le territoire congolais. La RDC fait face au M23 et d'autres groupes armés qui écument dans sa partie orientale. Le Rwanda est sous la menace des FDLR et d'autres ex-combattants Interahamwe. L'Ouganda doit contenir la menace permanente des rebelles de la LRA, éparpillés en RDC, RCA et au Soudan du Sud, de même que les ADF-NALU (Nord-Kivu). Dans une moindre mesure, le Burundi fait face aussi aux incursions des rebelles qui partent, dans la plupart de cas, des plateaux de Fizi dans la province du Sud-Kivu.

Puisque tous sont concernés, l'ONU envisage de mettre en place un mécanisme de résolution qui les implique. L'option a été levée hier dimanche en marge de la réunion d'Addis-Abeba. Si cette approche paraît efficace, sa réussite est conditionnée cependant à certains préalables. C'est la bonne foi des acteurs impliqués à collaborer pour une solution mutuellement avantageuse pour tous les pays.

Or, de ce point de vue, il n'est pas sûr d'affirmer que pour le cas spécifique de Grands Lacs, tous les pays regardent dans la même direction. Aujourd'hui, il est prouvé avec l'échec de tous les mécanismes mis en œuvre dans la région que la bonne foi de certains pays, tels que le Rwanda et l'Ouganda, n'est pas établie. Ces deux pays soufflent le chaud et le froid chaque fois qu'il s'agit d'engager une action régionale pour le retour à la paix dans les Grands Lacs.

Le fond du problème

Quel est le fond du problème ? Nombreux sont les observateurs qui estiment que le retour de la paix en RDC va desservir ses voisins, principalement ceux de l'Est. Non seulement, ceux-ci vont perdre les dividendes tirés du pillage des ressources naturelles, mais également la réconciliation recommandée va mettre en péril leurs régimes. En d'autres termes, le processus de rapatriement-réconciliation, particulièrement au Rwanda et en Ouganda, va ramener sur leurs territoires respectifs des rebelles qu'ils ont réussi à tenir à l'écart depuis des décennies. Au point où, faire du balai en RDC devient une gageure.

Tous le savent et personne n'ose le dire à haute voix. Le secrétaire général de l'ONU choisit de marcher sur les œufs en exigeant de chaque pays de la sous région de se réconcilier avec ses rebellions. La vérité est que, des puissances politico-financières internationales ont choisi de faire de la RDC un dépotoir où se déversent les rébellions venues de ses voisins. La situation d'insécurité permanente provoquée par ces groupes armés a transformé la partie orientale de la RDC en un «comptoir »comme à l'époque de la traite noire. Le statu quo actuel nourrit bien son homme.

A ce titre, l'implication de la communauté internationale doit se traduire par une force coercitive et non une force préventive qui ne peut dissuader personne. Preuve, la Monusco est forte de 17 mille hommes mais elle n'arrive pas à mettre fin aux conflits armés récurrents qui s'accompagnent d'une situation humanitaire parmi les plus déplorables. C'est dans ces conditions que l'implication voulue de tous les pays de la sous-région pourrait trouver son sens au regard de l'accord-cadre d'Addis-Abeba.

Il n'y a que la force pour ramener les Etats réfractaires à s'impliquer réellement dans l'option globale dégagée à l'issue de la réunion d'Addis-Abeba. Il s'agit, entre autres, du Rwanda et de l'Ouganda, deux grands acteurs de la région formellement indexés par les Nations unies dans la nouvelle rébellion menée dans l'Est de la RDC par le M23

«Nous aurons besoin (de passer) le test de la mise en œuvre »de l'accord-cadre de février 2013, a déclaré avant la réunion le secrétaire général des Nations unies. C'est la preuve qu'aux Nations unies, on n'est pas sûr d'avoir réuni tous les préalables pour la réussite de cet accord.

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