Minuer Congolais

«Quoique qualifiée de scandale géologique, la République démocratique du Congo (RDC) est un pays pauvre soit un revenu annuel par habitant de 225 USD (PPA), un niveau parmi les plus bas au monde », s'inquiètent Cédric Mbuyi et Darly Kambamba du département d'économie de l'Université de Kinshasa. Ils analysnt les facteurs qui empêchent l'émergence d'une classe d'entrepreneurs et d'industriels nationaux dynamiques.

Alors qu'elle bénéficiait d'un tissu industriel parmi le plus compétitif d'Afrique-noir à l'aube de son accession à la souveraineté internationale, la RDC a perdu de sa superbe depuis. L'ensemble des secteurs connaît aujourd'hui une baisse de leurs activités, le tissu industriel a été détruit ; le secteur privé presque totalement entre les mains des étrangers, etc.

A cet égard, dans le classement exclusif de Jeune Afrique 2012, de 300 entreprises les plus performantes d'Afrique, aucune entreprise congolaise n'y figure, et celles qui s'affichent dans les 500 sont des filiales des sociétés étrangères. Ce qui traduit une carence d'industriels congolais et des firmes congolaise.
Avec une population de près de 70 millions, la RDC représente une concentration d'extrême pauvreté au cœur du continent africain. Les besoins des populations congolaises deviennent de plus en plus amplifier et ce, alors que le pays connait toujours des conflits armés incessants et une stabilité politique précaire.

En effet, les conséquences économiques des conflits - chute de la production nationale, l'instabilité du cadre-macroéconomique - ont affecté sensiblement le pouvoir d'achat des ménages congolais. Pour preuve, le PIB par habitant est passé de 307 USD en 1970 à 167 USD en 1992 puis 96 USD en 2002 (DSRP, 2006).

Nonobstant, c'est depuis 2001 que l'économie congolaise a renoué avec la croissance, bien que fallacieuse, puisqu'elle n'émane pas des secteurs créateurs d'emplois de masse et que les fruits de cette croissance est drainée à l'étranger. Il n'existe pas véritablement de développement industriel.

Pour revenir à un fait déjà évoqué, la plupart des entreprises sont entre les mains des expatriés. Ce seul état des choses suffit pour dire que le pays connait une carence sinon une absence d'industriels et entrepreneurs dynamique –les statistiques à ce sujet n'existe pas- susceptible de booster son économie. Les raisons qui sont à la base de l'absence d'une classe d'industriels congolais et des firmes congolaises sont multiples et interdépendantes. Elles sont étroitement liées entre elles.

Le système colonial

La colonisation a estompé le processus d'accumulation dans les pays en voie de développement. Selon, la théorie du coût-circuit (Bakafwa, 2009), la RDC comme d'autres pays africains ont su passer avec succès les trois étapes du développement de mode de production- primitive, esclavagiste et féodale ; ce que corrobore les faits.
L'utilisation de la monnaie dans les échanges (croisette, nzimbu, coquillage) renvoie à une société marchande, mais traduit également un développement de l'activité de production (agriculture et l'artisanat). Les produits agricoles s'échangeant contre les produits issus de l'artisanat par l'intermédiaire de la monnaie pouvaient ainsi faciliter l'accélération du processus d'accumulation.

Outre, l'utilisation des métaux dans l'agriculture, la distillation de la bière, le moulage du maïs ou du millet sont là autant d'exemples qui caractérisèrent notre marche vers le progrès économique et social.

De ce fait, la logique de l'évolution de la société congolaise était propre pour l'essor d'une bourgeoisie et par là l'avènement du capitalisme. Malheureusement, l'introduction brutale du système colonial va freiner cet élan surtout que les structures économiques étaient fragiles.

En plus, l'inaccessibilité à la propriété foncière et le faible niveau du revenu n'ont pas permis l'émergence d'une classe bourgeoise d'affaires. Qui plus est, les quelques écoles qui ont vu naître n'avaient rien à avoir avec l'innovation, l'appropriation de la technologie ou encore la recherche. Il naquit dans le chef des Congolais- sans formation, sans instruction, sans capital - une culture de consommation sans production.

D'ailleurs, fait marquant jusqu'à ce jour, le pays consomme pour la plupart des biens et services qu'il ne produit pas. Et ce qu'il produit est destiné à l'exportation. La RDC est sortie de la colonisation plus pauvre qu'elle y était entrée.

Etat, Institutions, Environnement socio-économique et politique

Le rôle de l'Etat et des institutions dans tout processus d'accumulation et de développement a toujours été prépondérant. Sans Etat ni institution, il ne peut y avoir d'accumulation des richesses qui pourront conduire à l'expansion des activités de production et au développement.

Or, en cette matière la RDC a toujours fait piètre figure (guerres, instabilité politique, élections contestées, etc.). Le pays n'a pas su s'organiser pour avoir une vision claire et précise sur son propre développement et sa propre industrialisation. Le laps de temps de stabilité politique que le pays connaîtra sera le moment des choix économiques irrationnels.

A cet effet, la zaïrianisation- cession des unités économiques tenues par des étrangers à des nationaux - dans les années 1970, ce qui fut au fond une volonté de réappropriation de l'économie nationale jusque là entre les mains des étrangers - fut un échec cuisant de part le fait que les nationaux ne disposaient pas des compétences suffisantes pour assurer une gestion de moyen et long-terme de l'outil de production.

De plus, ces unités de production ont toutes disparu. Il s'en suit des politiques économiques suicidaires (PAS, réformes monétaires, etc.). A titre d'exemple, lors des mesures de radicalisation prises en 1974 - nationalisation partielle des entreprises à capitaux nationaux -, l'Etat s'octroie 60 % du capital de la Banque de Kinshasa, alors que M. Dokolo et son Groupe détenaient précédemment une majoritaire de près de 73 %, faisant ainsi chuter la participation de M. Dokolo à 40 %. Ces mesures eurent pour effet de dissuader plus d'un entrepreneur.

Dans le même ordre d'idées, il y a belle lurette que l'environnement économique et juridique n'est pas toujours transparent en RDC. Cette opacité crée des distorsions dans l'allocation des ressources et constitue un frein à l'émergence des vrais industriels.

Plusieurs agents préfèrent agir dans la clandestinité et verser des pots de vin que de passer par des voies officielles. Celles-ci sont très longues et découragent plus d'un investisseur. Ainsi la R.D.Congo est parmi les pays les moins attractifs et les plus corrompus du monde.

Avec près de 386 taxes, le cadre légal complexe et la lenteur de l'administration - l'instauration du Guichet unique devra faire ses preuves -, le pays n'offre pas suffisamment d'opportunités aux investisseurs pour réaliser des projets industriels durables.

Les comportements des agents économiques

Les comportements des agents économiques dans ce pays justifient aussi la carence des industriels. Ces comportements font suite aux événements tels que la colonisation, les troubles sociopolitiques récurrents, les politiques économiques irrationnelles, etc. Toutes ces situations ont grevé sensiblement le patrimoine des ménages et des entreprises.

Près de 70% de la population congolaise sont pauvres, vivant avec moins d'un dollar par jour (Enquête 1-2-3, 2008). Avec un revenu modeste, les ménages se trouvent dans l'impossibilité d'épargner. Cependant cette situation générale cache une autre réalité.

A coté de ces ménages pauvres, il y a des ménages riches. Même si leur nombre est très réduit, ils constituent, avec l'Etat, la catégorie de la population capable de dégager une épargne et de se constituer un capital.

Force est de constater que les riches congolais ne possèdent que quelques plantations utilisant des outils rudimentaires, des alimentations et des boutiques. Presqu'aucun d'entre eux ne s'emploi à des activités de transformation. En outre, une frange des riches se trouve dans le secteur minier –le plus souvent de manière artisanale- en connivence avec les politiques. Un vrai capitalisme de copinage.

La construction des résidences –il n'y a qu'à voir le boom immobilier de Kinshasa-, le succès médiatique, les achats de véhicules et l'évacuation des capitaux à l'extérieur constituent les premières préoccupations de la bourgeoisie congolaise. Cette conception de la richesse est un frein à l'émergence des industriels et des firmes congolaises compétitives.

Il est évident que la RDC connaît une «crise »d'entrepreneurs et d'industriels nationaux. De ce fait, il importe de trouver des pistes de solutions pour que le pays se dote d'une classe de vrais industriels qui feront émerger les firmes congolaises au sommet de l'Afrique.

Par «industriels »nous entendons «ces patrons qui ne sont pas motivés par l'argent ! Mais qui investissent leur argent dans les usines pour produire des biens et services de qualité et qui ont la vision de conquérir le marché tant national, continental que mondial ». Ce sont des hommes étranges, atypiques dont la RDC a besoin pour passer du sous-développement à l'industrialisation.

Dès lors, si la RDC veut être la demeure des industriels, elle doit proposer plus que la stabilité du cadre macroéconomique auquel son gouvernement s'accroche.

L'Etat, pouvoir public et organisateur des activités au sein de la collectivité, doit aménager premièrement des institutions politiques, économiques et sociales propices au déploiement des activités économiques durables et viables. Donc, il faut une remise en question des institutions de la RDC d'une part. Et, d'autre part, le pays doit définir une politique industrielle et d'innovation qui devra s'articuler autour des orientations suivantes :

(I) sélectionner «les champions nationaux »dans les différents secteurs de production ;

(II) développer l'artisanat et l'agriculture vers l'industrie manufacturière, d'équipement et d'approvisionnement. Comme dit plus haut, les structures de production souffrent encore des stigmates de la colonisation qu'il faudra repenser pour construire des unités de production durable. Pour ce faire, il faut attirer les investisseurs porteurs des capitaux nouveaux et importer la technologie ;

(III) à coter des investisseurs étrangers, constituer une ceinture d'entreprises locales en amont tout comme en aval pour bénéficier de la technologie et du savoir-faire de ces entreprises ;

(IV) aménager des canaux de transmission de cette technologie par un cadre réglementaire qui incite les entreprises étrangères à investir dans la formation des agents, dans la R&D et à la collaboration avec les entreprises locales ;

(V) assainir, moderniser ou privatiser si nécessaire les entreprises publiques et libéraliser les secteurs où l'Etat est encore monopoleur. L'objectif ici est de soumettre les entreprises publiques à la concurrence pour qu'elles soient plus performantes ;

(VI) subventionner les entreprises locales naissantes qui peuvent être viables et compétitives à long terme ;

(VII) reformer le secteur éducatif et de formation. L'objectif étant de l'orienter vers la formation professionnelle, l'apprentissage des métiers afin qu'elle serve de tremplin à l'inoculation d'une culture managériale et entrepreneuriale ;

(VIII) Reformer le système financier : stimuler l'épargne d'un coté et inciter les banques à soutenir l'activité de production en redéfinissant les critères de risque pour les PME et les PMI.

Ces suggestions - non-exhaustives - devront rencontrer un Etat libérateur d'énergie à coté des acteurs privés dynamiques et pleine d'initiatives. Ce n'est que de la combinaison de ces éléments que la RDC se dotera d'une classe d'industriels et d'entrepreneurs dynamiques en vue de son émergence.

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